Les huiles essentielles de lavande sont en danger

Les plantations de lavande vont-elles de disparaitre du paysage de la Haute Provence ? La menace vient de Bruxelles. (Photo Annie Molinet)

Les nouvelles contraintes de la réglementation européenne « REACH » en matière de produits chimiques mettent en danger l’existence même de la production d’huile essentielle de lavande en Haute Provence. Si les experts de Bruxelles voulaient tuer la lavande Provençale, ils ne s’y prendraient pas autrement … La filière tout entière se mobilise !

A la tribune de l’AG de l’APAL à Sault le 17 avril dernier, on reconnait à gauche Lionel Fra (nouveau président de l’APAL), au centre Paul Arnoux (conseiller général Drôme), puis Francis Vidal (président sortant de l’APAL), André Faraud et Max Raspail (conseillers généraux Vaucluse).

La peur du Reach

« Amis producteurs, il nous faut sonner le tocsin ! Nous ne savons pas si, dans peu de temps, nous existerons encore en tant que producteurs d’huiles essentielles, toutes catégories confondues… » C’est en ces termes que Francis Vidal s’est adressé, mercredi dernier 17 avril à Sault, à l’assistance en ouverture de l’assemblée générale de l’APAL. Avant de laisser la place à son successeur Lionel Fra, le président de l’association qui regroupe les producteurs d’huile essentielle de lavande de Haute Provence, sur les quatre départements de la zone d’appellation (Drôme, Vaucluse, Alpes de Haute Provence et Hautes Alpes) a souhaité appeler à la résistance l’ensemble de la filière lavandicole face au déferlement de réglementations, particulièrement destructrices, venant de Bruxelles.

L’assistance était constituée de producteurs et de représentants de la filière. Au premier plna on reconnait Philippe Soguel et Alain Aubanel

En cause, la réglementation REACH (acronyme de enRegistrement, Evaluation, et Autorisation des produits Chimiques) dont Bert Candaele, chargé de mission au CRIEPPAM, détaillait les mesures concernant les huiles essentielles et les conséquences de leur application.

Chimique, la lavande ?

Au départ, la règlementation REACH a un objectif noble, qui est de protéger le consommateur européen de tous les produits chimiques potentiellement dangereux qui l’entoure. A cet effet, REACH exige un dossier pour chaque produit chimique fabriqué ou importé dans l’union européenne, une sorte de dossier d’homologation. En principe, les produits naturels sont exemptés de cette réglementation et REACH ne devrait donc normalement pas concerner les huiles essentielles… Sauf que celles-ci, étant pour la plupart irritantes pour les yeux ou inflammables, elles perdent, selon REACH, leur qualité de produits naturels pour devenir des substances chimiques…

De cette classification erronée découlent des exigences ubuesques puisque, comme le souligne Bert Candaele, « on aura beau tourner la question dans tous les sens, le naturel et les huiles essentielles ne veulent pas rentrer dans les « cases » prévues par la chimie. Et de poser la question : Qui est le fabricant de l’huile essentielle ? Le distillateur comme le prétend REACH ou la plante elle-même qui, par la biosynthèse fabrique l’huile essentielle… Comment définit-on l’huile essentielle, lorsque l’on sait que dans la nature chaque plante fabrique une huile essentielle différente et que, contrairement aux produits chimiques, chacun de ses quelque 600 constituants est variable … »

L’écotoxicité est une autre source d’aberration et les méthodes adaptées aux huiles essentielles sont inexistantes. Ce qui n’empêche pas REACH de continuer à en exiger la mesure… Sans parler du coût des dossiers qui sont complètement disproportionnés par rapport à la taille des distilleries.

Quel consommateur acceptera d’acheter des produits de parfumerie, de cosmétique ou d’aromathérapie avec de tels pictogrammes ?

Un étiquetage suicidaire

A cela s’ajoute le souhait du Conseil scientifique européen d’élargir la liste des substances jugées « allergènes » qui passerait de 26 à plus de 130 et de transformer ainsi les seuils d’étiquetage en seuil d’interdiction… La mise en place d’une telle réglementation et le fort effet repoussoir des pictogrammes rendus obligatoires sur les étiquettes, rendraient très difficile l’utilisation des produits naturels dans les cosmétiques. On pourrait s’attendre à un effondrement de la consommation d’huiles essentielles avec en contrepartie une forte progression de l’utilisation des produits chimiques de synthèse.

Et la conclusion de Bert Candaele est sans appel : « je dis que les huiles essentielles sont en danger. Si rien n’est fait, il deviendra de plus en plus compliqué pour les industriels de les utiliser, et ils les supprimeront des formulations. »

La lavande doit-elle disparaitre des paysages de Haute Provence ? (Photo Annie Molinet)

La filière se mobilise

 Conscients des risques encourus, les producteurs réunis à Sault mercredi dernier ont décidé de se prendre en main et de réagir. A leurs cotés ont trouvait les conseillers généraux du Vaucluse André Faraud et Max Raspail, de la Drôme Paul Arnoux, le vice président de PPAM France Philippe Soguel, le président du CIHEF Alain Aubanel et le directeur de FranceAgrimer à Volx.

Il fut décidé de mobiliser l’ensemble des acteurs du parfum, de la cosmétique, de l’aromathérapie et d’aller porter la bonne parole, celle de la raison, auprès des décideurs politiques à tous les niveaux, départements, régions, ministères, à Paris, Strasbourg et Bruxelles.

La lavande doit-elle disparaitre des paysages de Haute Provence ? (Photo Annie Molinet)

Des propositions ont été faites

+ Expliquer que les producteurs ne sont pas opposés à l’évaluation des huiles essentielles, mais que cette évaluation doit pouvoir se faire avec des méthodes qui tiennent compte du naturel et du vivant, et avec des moyens compatibles avec leur activité.

+ Se faire aider par l’opinion publique en alertant les médias et le grand public sur cette situation ; la lavande est un produit agricole bénéficiant d’une image très positive.

+ La lavande de Haute Provence, le produit agricole comme le savoir faire de sa production, constitue pour notre région un patrimoine collectif ancestral. Pourquoi ne pas proposer une reconnaissance au patrimoine immatériel culturel de l’Unesco pour les plantes, leurs extraits et leurs usages ?

Alain Bosmans
Article paru dans « l’Agriculture Drômoise » du 25 avril 2013 et « Le Vaucluse Agricole » du 26 avril 2013.

5 réflexions sur « Les huiles essentielles de lavande sont en danger »

  1. Tellement STUPIDE !!! On n’ose y croire.
    Quand on connaît un tant soit peu des bienfaits des HE, et de la lavande particulièrement, on ne peut être que conste

  2. Les bureaucrates de l’UE ne pensent qu’à « ouvrir leur parapluie » sans regarder les répercutions économiques sur le terrain. En cette période de crise, ce n’est pas le moment d’asphyxier les petits producteurs. Ne devraient-ils pas se pencher beaucoup plus sur les additifs alimentaires qui nous empoisonnent. Le lobby de l’industrie agroalimentaire doit être plus fort…

  3. Mon commentaire découle de la stupidité insupportable des technocrates bruxellois qui s’apprêtent (et qui le feront car ils sont en proie à la pression des laboratoires américains !) à tuer la culture de la lavande, produit on ne peut plus naturel, utilisé depuis l’époque romaine sans aucun dommage pour quiconque, bien au contraire.
    Après de pareilles inepties -qui s’ajoutent à tellement d’autres (parmi les plus récentes et les plus ubuesques, rappelons l’interdiction faite aux moins de 18 ans -et je crois bien aux arboriculteurs eux-mêmes- de cueillir des fruits en montant sur des escabeaux de plus de trois marches… C’est à se rouler par terre, quand on pense que beaucoup d’entre nous ont passé leurs printemps et leurs étés d’enfance et de jeunesse, perchés dans les arbres fruitiers de leurs grands-parents ou des cultivateurs voisins, ravis de trouver de l’aide !).
    Et après de tels continuels déferlements de sottises qui exaspèrent les citoyens et leur mettent les nerfs littéralement en boule, les mêmes stupides euros-technocrates, décidément aussi inutiles que des valises sans poignées, viendront se lamenter des progrès constants (et l’on n’a sans doute encore rien vu !) des partis opposés à l’Europe telle qu’ils veulent nous la faire ingurgiter. Ces gens-là nous flanquent la nausée de leur Europe; c’est contre eux qu’ils faudrait légiférer et décréter, avant que leurs errements de planqués politiques et fiscaux ne déclenchent un irréversible rejet de la construction européenne qui, si l’on ne se mobilise va devenir synonyme de destruction européenne.

  4. Petites précisions:
    1°/ Reach (« enregistrement, évaluation, autorisation des produits chimiques ») est en discussion chez les « spécialistes européens » depuis le tout début des années 2000.
    Il devient courant d’en parler dans les laboratoires dès 2005, et très vite le texte s’applique. Donc ça ne vient pas de sortir, sauf que les experts travaillent sur 30000 molécules, dont le linalol. Sur cette substance en faible concentration dans l’huile, l’INRS (Institut français de recherche et de sécurité) strictement rien n’est dit (voir leur site en tapant inrs). Il n’en pensent pas moins…
    2°/ Les grands chimistes, pétrochimistes et autres catégories de l’industrie de « chimie fine » ont fait pression sur les décideurs européens et le résultat est que sur 100 000 substances chimiques existantes (leur estimation), seules 30 000 ont été retenues pour examen, selon les protocoles REACH. On voit là que le cercle vertueux qui consiste à prévenir des nuisances des substances chimiques en prend un coup.
    Maintenant ce que je devine, c’est que les 30 000 en question n’ont pas été tout à fait choisies par hasard… Alors, dans ce processus qui croyez-vous que l’on va sanctionner d’abord… et avec toute les convictions éthiques nécessaires au programme : ceux qui dans leur créneau de production sont fragiles, ceux qui occupent une niche intéressante et susceptible d’être industrialisée, ceux qui persistent dans la croyance que leur territoire et leur terroir, comme leur identité, leur histoire, sont des valeurs non négociables. Ceux bien sûr qui refusent le rabotage des esprits et qui peuvent penser encore le passé (comme le présent). Ceux qui savent encore distinguer les paysages et les plantes…
    3°/ Mais attention, il faut nuancer l’argumentaire face à nos « politiques », la Nature n’a que faire du bon et du bien. Elle tue aussi. Et à coup sûr les huiles naturelles sont des mélanges de substances chimiques. En substance il ne faut pas jouer sur les mots (sic). Le problème est bien qu’on peut les imiter par synthèse ces produits naturels, et pour faire de l’argent on en est en Europe (et ailleurs) à tout sacrifier, cyniquement, absurdement, et avec violence.

  5. Bonjour,
    Pouvons-nous utiliser les images de ce site pour une fête sur les plantes medievales?
    D’avance merci pour votre réponse
    Bon courage
    Anne

Répondre à Jean-Paul PAILLET Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *