Un œil neuf sur les Baronnies Provençales

Les sept étudiants avec (à gauche) Audrey Pelloux, animatrice du « Campus Européen ».

Le Parc des Baronnies Provençales Un groupe d’étudiants bénévoles a participé pendant 3 semaines à un « Campus Européen » visant à identifier les forces et les faiblesses de la commercialisation, en Europe du Nord, des produits emblématiques de ce territoire. L’occasion aussi de faire le point sur la création d’un parc qui se fait attendre.

Souhaitant favoriser les initiatives de valorisation des produits de terroir et soutenir de nouvelles dynamiques, le futur Parc naturel régional des Baronnies Provençales a accueilli du 26 août au 13 septembre sept étudiants de six nationalités différentes (Angleterre, Italie, Hongrie, Tunisie, Bulgarie, Russie) dans le cade d’un « Campus européen ». Organisé en partenariat avec le Groupe d’Action Local (GAL) « LEADER Une Autre Provence » et le Centre Méditerranéen de l’Environnement (CME), le campus portait sur la valorisation, d’un point de vue commercial et marketing, des produits agricoles et touristiques des Baronnies.

Les étudiants ont rencontré Fabien Begnis, président du syndicat des producteurs de petit épeautre de Haute Provence.

Etudiants bénévoles francophones âgés de 19 à 31 ans, ils avaient été sélectionnés dans leurs universités respectives pour leurs compétences en économie, agronomie, marketing, aménagement du territoire, etc.  Leur mission était de mettre leur « matière grise » au service des Baronnies Provençales, et d’apporter un œil neuf sur certaines initiatives locales.

Les étudiants avec Philippe Soguel devant la distillerie Bleu Provence de Nyons.

Partager l’expérience des acteurs locaux

Arrivés le 24 août dernier, ayant établi leur base au gîte du St Julien à Buis les Baronnies, leur première semaine fut consacrée à la découverte des produits des Baronnies provençales (huile d’olive, olives, lavande et autres plantes aromatiques, vins, fruits, petit épeautre, …). Les étudiants rencontrèrent ainsi de nombreux professionnels et experts locaux des filières agricoles: Marc Bonnard pour le GAL « Une autre Provence » et la stratégie LEADER, Mathieu Morard de l’association Pren Lo d’Aise, Fabien Begnis pour le petit épeautre, Jean-Pierre Jourdan, Christian Bartheye et Anne Laurent pour l’olive et son huile, Valéry Liotaud pour la viticulture, Philippe Soguel et Pierre Etienne Longeret pour les plantes aromatiques, Benoit Chauvin Buthaud pour la chambre d‘agriculture, …

Les étudiants du Campus avec Anne Laurent directrice de la coopérative du Nyonsais.

Etablir un panel de propositions.

Cet échange intergénérationnel entre des jeunes de nationalités, expériences et profils différents permettait de faire émerger un panel de propositions concrètes sur les modes de valorisation possibles à court, moyen et long terme. L’ensemble de ces propositions fut détaillé vendredi dernier 13 septembre en mairie de Buis où se tenait une réunion de présentations des résultats du campus en présence des différents protagonistes.

En présence du maire Jean Pierre Buix, les étudiants ont présenté le résultat de leurs trois semaines de réflexion et d’analyse.

 Y étaient notamment présents : Jean Pierre Buix maire de la commune, Gilberte Brémond directrice adjointe du Syndicat Mixte des Baronnies Provençales (SMBP), Mathieu Guary (directeur du Centre Méditerranéen de l’Environnement (CME) et Audrey Pelloux (animatrice du campus).

Les étudiants ont présenté leur travail devant les partenaires du Campus.

Passant en revue les différentes productions agricoles emblématiques du territoire (lavande, huile d’olive, olives, petit épeautre, plantes aromatiques, vins, fruits, …), les étudiants ont présenté pour chacune le résultat de leurs réflexions visant à les rendre plus attractifs et accessibles aux consommateurs des pays d’Europe du nord.

Parmi les propositions on aura noté :
– La création d’une liqueur glacée à base de lavande.
– La création d’une gamme de bières artisanales faites à base de petit épeautre, déclinées sous le nom de « La Baronne » en cinq parfums (menthe poivrée, thym, lavande, tilleul et géranium).
– La création d’une barre de céréale énergétique avec des fruits secs locaux, abricots, miel, petit épeautre.
– Apporter une plus grande importance à l’emballage (à la fois moderne et innovant) des produits à exporter.
– Mettre en place un réseau de distribution à l’export commun aux différentes filières locales.

Le point sur la création du PNR des Baronnies Provençales

Un territoire d’exception à promouvoir et à protéger.

Ce territoire de 130 communes et 7 villes portes entre Drôme et Hautes Alpes n’attend plus aujourd’hui que le décret gouvernemental de sa labellisation en Parc Naturel Régional. L’instruction administrative est terminée, la charte du futur parc a été approuvé par une majorité incontestable (67 % des 1576 conseillers municipaux ont voté pour le parc, les deux tiers des 130 communes et la totalité des communautés de communes y ont adhéré). Majorité incontestable certes, mais on est loin de l’unanimité et les opposants au parc ne désarment pas. Dans ces conditions, l’Etat semble hésiter à signer le décret de création d’un PNR des Baronnies sur un territoire dont un tiers des communes serait de facto exclu…

En l’attente de cette décision, le syndicat mixte d’aménagement des Baronnies Provençales (SMBP) a été reconduit par ses financiers pour les années 2013 et 2014. Il a poursuivi ses études sur la toponymie, les filières bois, sur l’eau vive, sur les circuits courts. Il a participé aux traditionnelles manifestations locales : alicoque, tilleul, fruits anciens, congrès des parcs, etc. Sur le terrain, 75 mesures ou actions sont conduites sous sa houlette pour un budget de près de 700 000 euros. Pour les élus qui conduisent son action, le retard pris par la labellisation est imputable à la gestation de la nouvelle loi de réforme territoriale…

Une nouvelle loi de décentralisation est en effet prévue en fin d’année 2013. Elle pourrait contenir une modification de l’agrément pour les parcs : soit un vote «qualifié » (si la majorité des votants dit oui, la charte s’applique à tous), soit un vote des seules communautés de communes. Mais dans ce cas il faudrait quand même probablement s’attendre à un nouveau vote pour éviter une application rétroactive de la loi…

Alain Bosmans
Article paru dans « L’agriculture Drômoise » du 19 septembre 2013.

Les Fralib et le tilleul des Baronnies

Les anciens salariés de Fralib (Marc Decugis, Nadine Fiquet et François Collatresso) examinent le tilleul avant d’effectuer les tests de coupe.

Il y a trois ans, la multinationale Unilever décidait de fermer l’usine de thé Lipton et de tisanes Eléphant de Géménos (Bouches-du-Rhône), laissant sur le carreau 182 salariés. Une centaine d’entre eux continue de se battre pour redémarrer la production dans le cadre d’une coopérative ouvrière (SCOP). Ils sont venus la semaine dernière dans les Baronnies s’approvisionner en tilleul.

Trois anciens salariés de Fralib, qui depuis plus de 1000 jours occupent leur usine et se battent pour sauvegarder leurs emplois et leur savoir faire, avaient rendez vous lundi 26 août à 13h30 devant l’entrepôt de l’entreprise Phytotec au quartier de la Grange Neuve à Mollans sur Ouvèze. Parmi eux Nadine Fiquet responsable de la commission « qualité et analyse » de la coopérative ouvrière baptisée « Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions » (Scop T.I), dont le principal objectif est la reprise à Gemenos d’une production arrêté depuis 3 ans.

Marc Decugis, Nadine Fiquet et François Collatresso devant les machines de Phytotec à Mollans sur Ouvèze.

Accueillis par plusieurs militants du Front de Gauche et le directeur de Phytotec Robert Gozzi, ils étaient venus de Marseille pour effectuer des tests de coupe de tilleul destiné à des sachets « mousseline » pouvant être produits sur les machines de Géménos. « L’objectif est aussi de nouer des relations avec les filières d’approvisionnement en matière première en s’adressant directement aux producteurs locaux afin d’obtenir au juste prix des produits de qualité. Contrairement à ce que faisait Unilever, qui utilisait notamment des substituts chimiques en guise d’arôme, nous souhaitons produire des infusions aux saveurs naturels possédant toutes les garanties sanitaires» explique Nadine Fiquet.

Reconnaître le travail de l’agriculteur

 Pour effectuer les tests, les « Fralibiens » ont acheté au prix de 18 € le kilo, à Bruna Rochas, producteur à Rioms, 250 kg de tilleul certifié Bio qu’ils se sont fait livrer à Phytotec. « Un tarif particulièrement attractif, nettement au dessus du prix habituel de vente du tilleul dans la région et qui permet de reconnaitre le travail de l’agriculteur en lui versant une juste rémunération » souligne Nadine Fiquet. « Cette première livraison sera immédiatement utilisée par le comité d’entreprise pour lancer une première production militante de sachets « mousseline » de tilleul des Baronnies, destinés à être vendus, entre autres, à la fête de l’Humanité les 13, 14 et 15 septembre ».

En présence d’élus et de militants du Front de Gauche (parmi lesquels le maire Jean-Pierre Buix et le conseiller régional (PC) Jean Michel Bochatton, les ouvriers de Fralib ont lancé mercredi matin sur le marché de Buis un appel à la mobilisation en faveur de leur lutte.

Ces acheteurs particuliers ont aussi profité de leur passage à Buis les Baronnies pour expliquer aux buxois comment « la victoire des ouvriers face à la multinationale Unilever pourrait relancer la production agricole de tilleul dans les Baronnies », selon la formule de Gérard Cazorla, le très médiatique secrétaire (CGT) du comité d’entreprise. Alors, sur la place des Arcades au beau milieu du marché mercredi matin, devant une grande banderole revendicative, les Fralib distribuèrent tracts et appels à souscription, expliquant longuement aux passants la nature autogestionnaire de leur démarche et comment les producteurs locaux de tilleul pourraient y participer et y trouver intérêt.

 Relancer la filière tilleul ?

 Aussi, dans l’après midi, avant d’aller récupérer à Phytotec leur tilleul finement coupé, les visiteurs rencontraient en mairie les élus du territoire en la personne du maire Jean Pierre Buix, de la conseillère générale du canton Marie Claire Cartagéna, du vice président de la région Rhône Alpes en charge de l’agriculture Michel Grégoire ainsi que des représentants du futur Parc des Baronnies Provençales, Lionel Tardy et Gilberte Brémond. Il s’agissait de savoir comment les producteurs locaux pourraient approvisionner en tilleul Bio l’usine de Gémenos dans l’hypothèse d’une reprise de ses activités. Très attentifs aux propos tenus par les « Fralibiens », les élus furent tous intéressés par un projet qui permettrait de relancer la filière tilleul en sommeil depuis une dizaine d’années.

Les « Fralibiens » (à gauche) et les militants du Front de Gauche des Baronnies (à droite) ont rencontré en mairie de Buis les élus du territoire (au centre).

Mais si, de part et d’autre, une volonté commune s’est manifestée, il semble bien qu’il reste encore trop d’inconnu du coté de Fralib pour faire tomber de nouveau en pluie les bractées de tilleul dans les bourrasses des Baronnies. De quels tonnages de tilleul la coopérative ouvrière aura-t-elle besoin et à quelle échéance, ont demandé les élus locaux aux représentants syndicaux qui ne furent pas en mesure de répondre. La question du résultat des futures négociations entre les irréductibles de Fralib et la direction d’Unilever (qui pour l’instant se refuse à toutes négociations), semble bien en effet la pierre d’achoppement à la reprise de la production à Géménos et au succès d’un projet alternatif de gestion dans le cadre d’une coopérative ouvrière (voir l’interview de Gérard Cazorla). Dans les Baronnies pourtant, on ne demande qu’à y croire !

 « Pour une rémunération équitable de tous »

Gérard Cazorla, le secrétaire (CGT) du comité d’entreprise Fralib devant l’affiche de la pièce de théâtre « 1789 » jouée au Buis cet été par le « Théâtre des habitants ».

Trois questions à Gérard Cazorla, secrétaire (CGT) du comité d’entreprise de Fralib.

Question : Comment définissez vous le projet alternatif de production que vous mettez en place dans le cadre d’une coopérative ouvrière ?

Gérard Cazorla : « A l’origine, notre premier objectif était de conserver nos emplois et de maintenir notre outil de travail en nous opposant à la fermeture de l’entreprise décidée par Unilever. Mais rapidement on s’est aperçu qu’il ne suffisait pas de sauver l’outil de travail et de reprendre nous-mêmes la production, mais qu’il fallait aussi envisager de travailler autrement. Travailler pour nous les travailleurs et non pour gaver des actionnaires. Travailler pour produire des produits sains et de qualité qui rémunèrent équitablement tous ceux qui participent à la chaîne de production, à commencer par l’agriculteur. C’est pourquoi, grâce à la médiation du groupe de militants du Front de Gauche des Baronnies, nous avons souhaité nouer des contacts avec les producteurs de tilleuls afin de mettre en place une filière courte capable d’approvisionner une production de sachets de tisane que nous espérons prochaine. »

Question : Justement, en dehors de cette production militante de quelques centaines de kilos de tilleul, qu’elles sont les prévisions de reprise de la production dans le cadre de la SCOP T. I. ?

Gérard Cazorla : « Aujourd’hui, après l’annulation successive en justice des trois Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), nous sommes face à des échéances juridiques qui, en septembre ou octobre, peuvent renverser la situation… Ce que nous demandons, en vain depuis 3 ans, c’est de pouvoir ouvrir avec la direction d’Unilever, une vraie négociation portant sur la reprise de l’entreprise par notre coopérative ouvrière. Une négociation qui porterait notamment sur la marque « Eléphant » que nous souhaitons conserver, ou sur le lancement éventuel d’une marque méridionale différente, et sur la garantie qu’Unilever nous accorde des volumes de sous-traitance pendant 5 ans… ». Mais pour cela, il faudrait que le gouvernement soutienne cette négociation. Notre demande n’est pas si utopique que cela : Unilever a déjà accordé dans le passé de telles conditions à des repreneurs. Ainsi la marque Royco en France ou Miko en Espagne…

Question : En dehors du tilleul des Baronnies êtes vous en train d’activer d’autres sources d’approvisionnement en matières premières ?

Gérard Cazorla  « Pour le thé nous maintenons des contacts avec des producteurs en Chine et au Vietnam. Nous étudions également avec des producteurs de la région PACA la possibilité de produire des sachets de tisanes à partir de plusieurs plantes aromatiques régionales. Nous avons aussi l’intention de développer des produits nouveaux et originaux, comme par exemple, le thym aromatisé en sachet. A cet effet nous somme en contact avec des producteurs de thym à Trets (Bouche du Rhône) qui nous ont fourni des échantillons pour des essais sur nos machines. »

Pour en savoir plus :
Le point de vue de la CGT : http://cgt.fralibvivra.over-blog.com/
Le point de vue de la direction d’UNILEVER : http://www.fralib.fr/

Article et photos d’Alain Bosmans, paru intégralement dans « L’agriculture Drômoise » du 5 septembre 2013 et partiellement dans le « Dauphiné Libéré » du 31 août 2013.