Faute de moyens et de « repreneurs », le théâtre des 2 M, créé en février 2010 par Maurice et Muriel Jaroslav a fermé ses portes et éteint ses lumières jeudi dernier 31 mai 2012 au soir… Serge Pauthe, qui avait initié une pétition pour tenter d’éviter cette fermeture, a écrit ce texte que le Tam-Tam publie aujourd’hui « In Mémorium ».
Si la construction d’un théâtre moderne avec scène appareillée, salle garnie de fauteuils ultra-chics, hall d’accueil du public comportant un bar-restaurant et caisses en plexiglas bleuté, s’avère impossible à construire à cause des budgets limités… Eh bien, offrez-nous une église ou la plus minuscule des chapelles romanes qui ne servent plus aux prières, une usine inoccupée, une grange, un place de village, un grenier et, soyez-en sûr, nous en ferons un théâtre. Car ce qui crée la magie d’un soir de représentation, c’est le talent des interprètes, bien sûr, mais aussi la passion partagée, la rencontre opportune, la convivialité et le plaisir de découvrir des humains ailleurs que dans les embouteillages parisiens ou à la caisse des supers supermarchés bétonnés à l’entrée de nos villes provençales.
Laissez-moi vous narrer à présent l’apparition de ce petit théâtre des 2M dans ma vie trépidante.
Un jour d’hiver 2010, en allant le plus rapidement possible de Valréas à Buis-lesBaronnies, je dus ralentir au carrefour de la route de Vaison pour prendre la direction de Buis. J’aperçus alors un imperceptible changement dans le panorama habituel. Oh ! Peu de choses en vérité ! Pas un gratte-ciel venu à l’improviste d’une ville champignon, ni un autre Ventoux à escalader pour atteindre Faucon ! Non! Simplement un mot inscrit en lettres énormes au fronton d’une grande maison à gauche de la route. Et ce mot, prolixe et pacifique, presque provocateur, dressé sur ces terres agricoles soumises à la viticulture et à l’arboriculture, ce mot-fanion de culture : THÉÂTRE, était comme un palmier à l’horizon de la lande désertique. Bien sûr, il y a des cinémas, des salles des fêtes à 30 kms à la ronde mais pas de Théâtre. Et moi, toujours pressé, je me suis arrêté pour connaître les heureux bienfaiteurs. Une telle initiative ne pouvait être saluée seulement du revers de la main.
Je m’approche et un grand chien noir aux yeux de loup accourt pour me lécher la main. Surgit un Géant bonhomme, le tout nouveau directeur et le maître du gros toutou qui me fait aussitôt visiter son théâtre. C’était Maurice, et Muriel vint le rejoindre peu de temps après. J’avais devant moi ce couple souriant que je ne connaissais pas. Que voulez-vous ? On a parfois l’impression de vivre de part et d’autre d’une banquise. Eux à Vaison, moi au Buis. Ils ouvrent leur théâtre. La glace est rompue. Désormais, il n’y a qu’une seule passion qui nous réunit et je ferai plusieurs escales très agréables dans leur petit théâtre. Ce qu’ils ont fait tous les deux, cet acte d’amour et de partage, ces 200 spectacles programmés, ces 8.000 spectateurs rassemblés, tous ces artistes professionnels, troupes de théâtre amateur, chanteurs, choristes, musiciens, doivent nous inciter à leur dire un grand merci. Maurice nous a quitté. Muriel a voulu perpétuer ce rêve, entretenir la flamme. Mais l’on sait que le feu ne peut rien sans combustible. L’argent, dit-on, est le nerf de la guerre. Et pour bien d’autres choses… Tous deux ne vivaient pas de leurs rentes mais des recettes qui s’avérèrent insuffisantes pour générer la flamme. Ce théâtre, telle une vigie délicate, placée à l’embranchement des routes de Buis, Nyons et Vaison, ne disparaitra jamais de notre mémoire. Mais il faut que se rassemblent toutes les énergies pour que fructifie cette volonté d’ouvrir de tels espaces culturels.
Serge Pauthe,
Auteur et comédien.
Fondateur du Théâtre-école de la Lance et des Baronnies.
ALERTE! Un petit théâtre va fermer…
ALERTE! Un petit théâtre va fermer !
Déracinez un théâtre et c’est une ombre qui apparait !
Voici ce que j’écrivais en-tête de la pétition, qui a recueilli 500 signatures, pour soutenir l’âme de ce lieu, notre amie Muriel, et faire tout ce qui était possible pour que ce théâtre ne disparaisse pas. Et que surtout, dans cet espace rural, soit maintenu un lieu de fraternité et d’échange culturel.
Que soient remerciés tous les signataires. Par leur geste amical, ils ont témoigné leur attachement à l’essor d’une culture vivante dans ce lieu où professionnels et amateurs se produisaient devant un nombreux public.
Mais hélas ! « Le petit Dauphin est malade, le petit Dauphin va mourir » écrivait Alphonse Daudet. Le Théâtre des 2M ferme ses portes ce Jeudi 31 Mai au soir.
Serge Pauthe