Texte de voyage d'Alain Bosmans
Jeudi 23 février 1984
Le journal de Bahia « A Tarde » annonce en dernière page que le gouvernement brésilien a déclaré l’état de « Calamidade Nationale » sur les 245 agglomérations de la région du Nord-Est du pays. Cela peut se traduire par « Etat d'urgence », et cela décrit une situation dramatique consécutive à la terrible sécheresse qui sévit dans cette région où règne le désespoir et la famine.
A Salvador, tout le monde s’en fout ! Nous sommes à 8 jours du carnaval… ! C’est d’ailleurs ce qu’annonce le grand quotidien en première page : «Carnaval de Bahia : 100 anos de folia ». Un carnaval célèbré dans tout le pays pendant les 5 jours précédant le mardi gras et qui va cette année à Salvador revêtir une importance particulière puisqu’il s’agit du centième anniversaire de sa célébration : . Le slogan s’affiche sur tous les murs : « Cent ans de « Folie »… ! Tout un programme !
A Salvador de Bahia, ce même jour, Valeria, jolie mulâtresse de 25 ans, sans emplois, michetonneuse occasionnelle, a quitté son favelle des faubourgs nord-est et descend de l’autobus au terminal de Campo-Grande. Il est 23 heures et les rues sont incroyablement animées d’une foule jeune et oisive. Sur les trottoirs, des ouvriers s’affairent à assembler des tubulures qui formeront les tribunes officielles et les podiums de télévision. Plus loin des électriciens dans les arbres et les pylônes, tendent des guirlandes lumineuses, tandis qu’on érige d’immenses luminaires à tête de clown, de coq, de diable. Les bannières des plus célèbres écoles de Samba sont suspendues en travers des rues.
Valeria se dirige vers la place Castro Alvez et s’arrête devant le « Holiday », une boite de nuit plutôt mal famée. Elle n’a pas un cruzeiro en poche mais elle est connue du portier qui la laisse entrer. A l’intérieur il règne déjà une chaude ambiance. Pas mal de marins, touristes et étrangers, mais aussi des brésiliens de tous âges. Beaucoup de filles aussi… La concurrence est sévère… ! La salle est éclairée d’une lumière sombre et sanglante. La disco déverse une musique assourdissante à base de Rock et de Samba. Un rythme soutenu ! Très répétitif ! Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum !
Valeria danse, Valeria danse bien, Valeria aime danser,
Valeria pense que dans 8 jours ce sera le carnaval, et qu’elle pourra danser
tout son saoûl, sans arrêt, pendant 5 jours ! Mais pour faire
bonne figure au carnaval, il lui faudrait un peu d’argent : De l’argent
pour s’acheter le tissu du déguisement, les paillettes et les étoiles
du maquillage ; de l’argent pour acheter la Cachaica de la fête,
un peu de marijuana et quelques bières sur les trottoirs du Carnaval…
Valeria est jolie, la peau sombre, les cheveux longs
et lisses, dans son jeans serré et son sweet-shirt mauve elle attire
l’attention d’un petit mec bizarre, un étranger, un voyageur sans
doute. Il parle mal le portugais, porte de fines lunettes, des cheveux
roux, frisés dans le cou. Mal rasé, une boucle d’or à
l’oreille gauche, un collier africain sur une chemise douteuse, il a l’aspect
débraillé de ces faux intellectuels en rupture d’Occident.
Avec trois mots d’anglais, elle apprend qu’il s’appelle Arsene, qu' il
est français et vit sur un voilier avec lequel il est arrivé
voilà 15 jours dans la Bahia après avoir traversé
l’Atlantique en provenance d’Afrique.
Ils dansent ensemble, ils sont en train de se trouver
sans avoir mis longtemps à se chercher. La musique les entoure,
les enveloppe, un drôle de vacarme. Il lui offre de la Caïpirinia,
une, puis deux, et puis d’autres qu’ils boivent avec une paille avant de
danser encore interminablement collés l’un à l’autre. Il
fait une chaleur à crever dans cette boite, les corps sont moites,
ils s’embrassent, rient, boivent, dansent encore…
En sortant du « Holiday », Valeria emmène
son compagnon à l’hôtel « Scandinavia » dont l’enseigne
lumineuse à moitié éteinte diffuse une lumière
glauque et aveugle. C’est ce qu’on appelle un hôtel borgne… La chambre
est bleue, toute bleue, du sol au plafond, des rideaux au-dessus de lit.
L’eau de la douche est bleue et les volutes de fumée du joint qu’ils
allument le sont également. Ils firent l’amour dans le bleu et dans
l’oubli… ! Au fait, firent-ils l’amour… ? Valeria n’en est plus très
sûre. Ce dont elle se souvient c’est de s’être réveillée
la première, d’avoir vidé les poches du type pour n’y trouver
qu’un permis de conduire français sans valeur et 12 dollars en petites
coupures. Maigre butin ! De quoi quand même acheter le tissu du déguisement
« fantasia » et quelques bouteilles de Caïchaca.
Sans faire de bruit, dans le matin blême, Valeria
quitte la chambre et se dirige vers Campo-Grande d’où elle prend
« l’omnibus » pour rejoindre son favelle de la banlieue nord-est
de Salvador. En chemin, elle fredonne un petit air entraînant qui
fait quelque chose comme…Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum ! Boum !
Vendredi 2 mars 1984
Le carnaval a été inauguré officiellement la veille, le jeudi soir, par un défilé de quelques chars et écoles de samba accompagnant le « Prince fou » qui symbolise cette année le Carnaval de Salvador. Déjà, depuis deux jours, le circuit qui s’étend sur 4 kilomètres en un grand huit de Campo-Grande à la Praca da Se est interdit à la circulation. Les commerçants ont baissé leurs rideaux de fer et des palissades de 4 mètres de haut ont été érigées sur toute la longueur du parcours, de chaque côté, pour protéger les immeubles et les magasins : la rue est aveugle ! Partout où cela est possible, on a monté des « Baraqueiros », petites boutiques sommaires en bois, outrageusement décorées de peintures naïves, avec des tables, des chaises ou tabourets rustiques et d’énormes réserves de bières et de Batida en bouteilles plastiques. Comme chaque année, les autorités ont interdit la vente publique de Caïchaca et d'autres alcools forts dans des bouteilles en verre sur le parcours. Tous les 200 mètres, la police a édifié des petits podiums en surplomb d’où des policiers munis de jumelles et de talkies-walkies vont surveiller la foule, jour et nuit, pendant 5 jours. Ils seront en liaison avec de nombreuses patrouilles mobiles de 8 policiers, armés d’impressionnantes matraques, qui vont sans cesse sillonner le carnaval et intervenir partout où cela sera nécessaire avec une rare célérité et efficacité. La police militaire a également été mobilisée et ce sont des milliers d’hommes qui seront ainsi chargés d’assurer la sécurité de l’incroyable rassemblement qui se prépare.
Il est 18 heures lorsque Arsène prend l’Elevador avec quelques amis du mouillage. Quatre ascenseurs emportant chacun 35 personnes en quelques secondes, déversent au sommet de la falaise leur chargement humain en plein cœur de l’action. Depuis plusieurs heures déjà les BLOCOS ont commencé à défiler. Un Bloco, c’est ce que l’on appelait autrefois « Une école de Samba ». Aujourd’hui à Salvador, il s’agit plutôt d’une association de plusieurs centaines (voire milliers) de personnes qui décident de défiler ensemble dans les rues du carnaval, sous le même déguisement, au son de la même musique, derrière le même char, autour du même thème. Cette association se fait le plus souvent selon des critères géographiques : c’est le cas des Blocos des différents quartiers de Salvador et de sa vaste banlieue qui peuvent regrouper chacun jusqu’à 5 à 6 000 membres. Le groupement en Bloco se fait également autour d’associations déjà existantes, qu’elles soient sportives ou culturelles, religieuses ou musicales, corporatives ou politiques. Dans un pays où les libertés civiques sont d’acquisition récente, encore fragile, le carnaval est l’occasion pour chacun de s’exprimer sans contrainte. Le Carnaval donne ainsi chaque année pendant quelques jours à tout un peuple la possibilité de dire sans crainte ses révoltes et revendications, et permet à tous d’afficher sa différence sans tabous.
Au total 234 Blocos sont invités cette année à défiler sur les quatre kilomètres du parcours, jour et nuit, sans interruption, pendant cinq jours. Chaque Bloco va pouvoir effectuer trois fois le parcours. Les organisateurs ont prévu chaque passage à des jours et heures différents de manière à ce que chaque Bloco fasse un passage le matin, un l’après-midi ou la soirée et un la nuit. Pendant cinq jours, le plus improbable mélange que l’on puisse imaginer de costumes, de thèmes, de couleurs et d’images vont se télescoper sur ces quatre kilomètres de folie. Les gladiateurs romains du quartier de Pituba se mélangeront aux mousquetaires du Favelas de Santa Maria de Bonfim, les homosexuels revendicatifs côtoieront les ouvriers syndiqués du bâtiment, les milliers de « filhios de Ghandi » tout enturbannés derrière leur maître juché sur un éléphant se mêleront aux centaines d’« Apaches de Tororo », tout emplumés derrière leurs prêtresses nues. Le Bloco « Bamako, capitale du Mali » (sic) avec ses tam-tams et boubous africains rencontrera les chapeaux chinois du Trio des « Traz os Menos ». Tout autour du défilé, la foule immense des spectateurs est elle-même déguisée, les visages maquillés, les corps travestis dans une débauche d’imagination et de fantaisie, de tissus et de couleurs. Un spectacle insensé, incroyable, inimaginable, difficile à décrire...
Car ce qui réunit cette foule colossale et
bigarrée, ce qui l’unit et la soude dans une même communion
payenne : c’est LA MUSIQUE…. ! La musique du Carnaval de Salvador… ! La
fameuse SAMBA… Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum !
Il s’agit d’un rythme à quatre temps
avec deux syncopes. La double syncope se situe entre le deuxième
et le troisième temps. Quel que soit le groupe, l’orchestre, la chanson,
ce sera toujours le même rythme :
Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum ! Sans arrêt, le même rythme, toujours,
cinq jours et cinq nuits, sans arrêt :
Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum ! Chaque Bloco possède toujours un char sur
lequel est installée une sono la plus assourdissante possible ainsi
qu’un ensemble de percussions, appelé « Batucabas »,
qui martèlera interminablement de ses tambours, tam-tams, atabataques
et autres pandeiras Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum !
Les participants du Bloco sont devant et derrière
le char. L’ensemble est ceinturé par une corde que tient tous les
mètres un service d’ordre musclé. Celui-ci tend la corde
en permanence et permet ainsi, malgré les bousculades, de maintenir
l’unité du Bloco tout en interdisant l’accès à la
foule qui se presse autour. Certains chars (les plus importants) ont des
Batucabas supplémentaires à l’avant ou à l’arrière
de manière à répercuter sur toute la longueur du défilé
le rythme du char placé au centre. D’autres ont totalement transformé
leur char en TRIO-ELECTRICO.
Un « Trio-électrico » est
une invention géniale et brésilienne (pléonasme ?).
En deux mots il s’agit d’un podium de concert mobile : Il faut imaginer
un camion énorme (comme on n’en trouve de cette taille que dans
le nouveau monde), entièrement bardé de baffles sonores et
haut-parleurs de concert, du haut en bas, des essieux au sommet, de l’avant
à l’arrière, sur toute la surface, constituant un énorme
quadrilatère mobile et sonore ! Une bombe de décibels qui
va se promener à la vitesse d’un escargot en déversant une
musique d’enfer sur une foule de danseurs et de spectateurs agglutinés
sur son parcours ! Parfois, au sommet de cet édifice musical, un
orchestre complet entoure un chanteur ou une chanteuse dont la popularité
déchaîne l’enthousiasme de la foule.
Une foule qui non seulement écoute cette musique si particulière du Carnaval de Salvador, mais également danse… ! Il est d’ailleurs inutile de tenter de résister à l’envie de danser ! On ne résiste pas à la SAMBA des rues du carnaval de Salvador ! Une danse rapide qui nécessite de bonnes jambes, un mouvement incessant des hanches et un sautillement continuel d’un pied sur l’autre. La meilleure comparaison que l’on puisse en faire est celle du pas d’un boxeur à l’entraînement. Cette comparaison est d’autant plus justifiée que la plupart du temps sa pratique n’est pas de tout repos et qu’il est recommandé aux danseurs comme aux spectateurs de se protéger le corps et le visage avec les bras et les poings... ! C’est ainsi que l’on doit pouvoir dire que le Carnaval de Salvador voit s’affronter pacifiquement pendant plusieurs jours quelques centaines de milliers de boxeurs des deux sexes en un surréaliste combat rythmique et amoureux ! Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum !
Arsène s’est rapidement mêlé à la foule. Il fait comme tout le monde, sautant d’un pied sur l’autre, la garde haute, les poings fermés proches du visage. Il est noyé dans la masse innombrable qui regarde passer les Blocos, les Trios ! Une foule brésilienne, inimitablement brésilienne… Avec des « Meninas » par milliers, la plupart portant des shorts indécemment trop petits et de minuscules justaucorps multicolores. Les hommes sont jeunes eux aussi, très jeunes, de nombreux adolescents sont en short ou maillot de bain, torse nu. Des corps indolents, insolents, indécents ; des peaux bronzées, exhibées ; des filles superbes et des garçons musclés étalant leur présence physique, sensuelle, érotique ; affichant sans soucis ni complexes des corps parfaitement sains, beaux, jeunes, dans une débauche de jouissance et d’hédonisme typiquement brésilienne ! Superbement brésilien !
Arsène est maintenant noyé au cœur de cette marée humaine en ébullition. Lui aussi s’agite frénétiquement au rythme des Batucabas autour des Blocos, derrière les Trios se frayant un chemin lentement au milieu de ce délire. Son souci actuellement est de ne pas perdre de vue Valeria, sa copine brésilienne ! Il avait draguée huit jours auparavant dans un dancing du port. Une mauvaise soirée au cours de laquelle il avait perdu des papiers d’identité et une dizaine de dollars. Depuis, ils s’étaient retrouvés à plusieurs reprises et insensiblement Valeria s’était installé dans la vie d’Arsène avec suffisamment de discrétion pour qu’il ait eu envie de découvrir le Carnaval avec elle. Valeria a 25 ans, la peau sombre, les traits fins de ses origines indiennes, des cheveux longs et raides, les pommettes saillantes, mince avec une maigre poitrine, elle semble tout droit sortir d’une B.D. de Corto Maltesse.
Pour le moment, c’est elle qui mène la danse et Arsène se laisse faire, subjuguer par ce qui l’entoure : cette débauche de chair et de sensualité à fleur de peau, fleur de bouche, fleur à la bouche. Au coin d’une rue, un groupe de mulâtresses se déhanche comme des amantes fort peu religieuses. Une poignée de touristes regardent, les yeux exorbités, au bord de l’apoplexie, se demandant pourquoi, bon Dieu, ils ont eu l’idée absurde de venir avec bobonne… ! Là bas, une magnifique créature s’avance et fait le vide devant elle. La foule époustouflée et qui pourtant en a déjà vu, regarde médusée et se demande s’il s’agit d’une femme ou d’un homme. Cela n’a d’ailleurs aucune espèce d’importance ! Plus loin, les vapeurs d’alcool et les odeurs de bières se mêlent aux fumées de marijuana et aux effluves d’éther que des narines avides aspirent goulûment : Trichlo, benzine, éther, tout est bon pour s’asperger le mouchoir ou le tee-shirt et se lancer dans des apnées délirantes. C’est la défonce des pauvres, celle grâce à laquelle on pourra tenir, à ce rythme, pendant cinq jours, sans dormir… ! Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum !
Non décidément le carnaval de Salvador n’est pas fait pour les enfants de choeur ! Pas pour les enfants du tout ! Ce n’est pas une fête de famille ! C’est une réunion violente de célibataires. Une fête qui mêle étroitement la musique, la danse, la défonce et le désir ! C’est un défoulement collectif, une colossale orgie désinhibante à laquelle prés d’un million de personnes participent chaque année dans une démarche libertaire et paroxystique. Pendant cinq jours tout sera permis : Les couples se sont donné quartier libre ! Dans neuf mois, ceux que l’on appelle ici « Les enfants du carnaval » n’auront pas forcément la couleur désirée… ! Quelle importance ? En 1960 le Brésil comptait 60 millions d’habitants, en 1984 ils sont 130 millions, en l’an 2000 ils seront 200 millions ! C’est ce que l’on appelle de loin, dans les revues spécialisées, une explosion démographique ! En effet le mot est juste ! Sur place, la démographie, ça explose avec des grands Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum !
Samedi 3 mars 1984
Lorsque Arsène se réveille sur son voilier « La cigale », sagement mouillé dans le bassin du vieux port en face du fort de Sao Marcello, à deux pas des « Escaladors », il est 14 heures et le thermomètre indique 35° à l’ombre. Il raccompagne Valeria en annexe et après un repas frugal décide de se replonger sans tarder dans le carnaval. Samedi après midi, on dit que c’est le jour le plus « dangereux » pour les « gringos » aux cheveux blonds qui sont en bute aux avances très directes de la part de Brésiliennes en quête de compagnons exotiques ! Car le temps du carnaval est l’occasion de se livrer à l’un des sports favoris des habitants de ce pays : « la Drague ». Un sport ouvert à tous et auquel chacun s’adonne avec des méthodes très particulières… !
Une Brésilienne qui aura repéré son « Gringo » commencera par le regarder droit dans les yeux effrontément en lui souriant ; puis elle ondulera des hanches en s’approchant jusqu’à le toucher. S’il ne réagit pas, qu’il n’est pas intéressé ou déjà occupé, elle va insister en lui passant la main dans les cheveux, sur la nuque, lui prenant la main, le bras ; s’il continue à jouer l’indifférent, il risque d’être pincé aux bras, aux cuisses, aux fesses, on dit même que certaines dragueuses vont jusqu’à brûler de leurs cigarettes l’objet de leur désir, manifestant sans doute ainsi la chaleur de leurs intentions. Le plus simple est donc de se laisser faire et de donner gentiment ce pour quoi on est harcelé : un « Beijo » !
Place Castro Alvez, sous un soleil implacable dans
un ciel bleu sans nuage, au cœur d’une foule innombrable, Arsène
suit un trio électrico délirant : « Le Chiaro de Amor
». C’est un monstre énorme, noir de haut-parleurs qui déverse
une musique démoniaque et assourdissante. Au sommet de cette montagne
de bruit à 6 mètres au-dessus du plateau, un guitariste fou
et une chanteuse androgyne exulte une Samba électrisée. Devant,
derrière, sur les côtés, c’est du délire. Des
garçons, des filles sautent en tous sens et se déchaînent.
Par plusieurs orifices situés en hauteur à l’avant du camion,
à intervalles réguliers et pendant plusieurs minutes, la
foule est aspergée d'une vaporisation d’eau parfumée en fines
gouttelettes. Par cette chaleur torride, chacun veut être sous la
douche parfumée et c’est une invraisemblable bousculade qui se déroule
à chaque vaporisation. Des coups, de coudes, de pieds, de poings
pleuvent également assez drus… !
Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum !
En fin d’après-midi, Arséne rentre
se reposer sur son bateau au vieux port. Il souhaite tenter de récupérer
en prévision d’une nuit qui promet d’être longue. Il a rendez-vous
avec Valeria pour se rendre à 22 heures dans un « Club »
: Le Club PORTUGES de PITUBA, à une vingtaine de kilomètres
sur la côte, au nord de la ville. Valeria a le visage maquillé
en carnaval, les yeux brillants et des étoiles sur le front. Avec
une tunique sombre et un pantalon bouffant de cotonnade multicolore elle
est très belle et Arsène, qui approche de la quarantaine,
s’affiche avec fierté et nonchalance au bras de sa jeune compagne.
Le Club Portuges est un vaste ensemble sportif en bord de mer avec deux
piscines, de nombreux courts de tennis et un grand club-house devant lequel
on a édifié pour le carnaval un podium bourré de sonos
sur lequel sévit un orchestre de samba traditionnel. Ici, l’entrée
est payante. 15.000 cruzeiros pour les hommes et 5.000 pour les «
Meninas ». Et des « Meninas », il y en a… En quantité…
Au total 8 à 10.000 personnes qui, ce soir, comme tous les autres
soirs de ces cinq jours de carnaval, se presseront sur l’immense piste
de danse du Club, entraînées par une certaine musique : Un
rythme lancinant, obsédant, entêtant…
Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum !
Lancinant, obsédant, entêtant… Sans arrêt, toute la nuit… ! Tout le monde danse ! Tout le monde, il est beau, il est jeune, il est gentil ! Les filles portent des shorts beaucoup trop petits pour ce qu’ils contiennent ! Les garçons sont mieux habillés que ceux de la foule des « ruas » de la vieille ville. Plus blancs de peau également : Denise est une des filles les plus noires de l’assistance, il est vrai qu’Arséne est aussi l’un des plus blonds. Ici, pas de violence, pas de coup de poing. On danse toujours comme à l’entraînement de boxe, mais la garde est basse, inutile de se protéger ! Une multitude de très jolies jeunes filles remuent avec entrain leur très joli petit derrière, au-dessus de leurs très jolies longues jambes ! Les garçons leur tournent autour en respirant des mouchoirs imbibés d’un « Lança perfume » opiacé. La nuit s’écoule au rythme de ce déchaînement musical, de ce trémoussement frénétique, de cet érotisme tropical auquel nul ne résiste. Avec les heures et la fatigue, les choses tournent même carrément à l’émeute sexuelle. Les corps se cherchent, les mains se baladent, les couples se forment, les cuisses se croisent, les entrejambes s’attirent, les muscles se bandent ou s’abandonnent et les muqueuses s’inondent… ! A l’horizon, sortant de l’étendue océane, les lueurs de l’aube pointent et dévoilent le spectacle à carré blanc de ces milliers de couples qui miment debout les gestes de l’amour au rythme de la samba.
A 5 heures, Arsène et Valeria retournent en taxi à la Praca da Se. C’est le petit matin blême du carnaval. Les éboueurs récoltent à la pelle les monceaux de canettes de bières vides et de confettis dont ils remplissent leurs brouettes. Sur le trottoir, des corps sont allongés, dormants, saoûls d’alcool ou de fatigue, solitaires ou enlacés, danseurs épuisés ou ivrognes comblés… ? Ils prennent un dernier verre à une Baraqueiros du vieux port dont la devanture est richement décorée de peintures religieuses naïves. A côté d’eux, un gladiateur rouge, un mousquetaire jaune et un chinois vert sont attablés autour de quelques bouteilles qu’ils vident en silence. Il fait maintenant tout à fait jour, au coin de la Place Municipale, le Bloco Tanzanien Ujuama s’éloigne dans un bruit étouffé de : Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum !
Dimanche 4 mars 1984
A 14 heures l’équipage de « La cigale » est réveillé par des voix féminines en provenance du cockpit ! Son capitaine se lève péniblement et découvre deux filles en train de prendre le soleil confortablement installées à l’arrière du bateau. Il s'agit de Martha et d'une de ses copines ! Martha est une Brésilienne de Rio, une « Carioca » de 27 ans, en vacances à Salvador, qu’Arsène avait eu l’occasion d’inviter à faire une promenade dans la grande baie quelques temps auparavant. Il ne s’était encore rien passé entre eux, mais cette visite aujourd’hui, sur son bateau, en plein carnaval, à l’heure de la sieste, est prometteuse...! Valéria en se levant, prend d’ailleurs la chose assez mal et s’en va furieuse après avoir juré qu’elle ne remettrait plus les pieds sur ce « Barco de merda… ! » (sic). Arsène est lui-même assez mécontent et finit par mettre tout le monde dehors, faisant, avec son annexe à rame, plusieurs voyages vers le quai sous les regards égrillards de ses amis du mouillage qui ne comprennent plus rien aux amours du Français… Y a rien à comprendre, Bon Dieu ! Circulez ! Y a rien à voir !
Au-dessus de leurs têtes, le Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum ! de la fête les appelle ! Ils s’y rendent en bande ! Déjà bien allumés, bien raides, le cœur en joie ! Il fait maintenant tout à fait nuit et la foule est énorme. Des Trio-électricos se succèdent tous les 200 mètres dans une farandole démente et monstrueuse. La masse humaine vibre et s’électrise, les bousculades deviennent plus dures, plus dangereuses ! Il est impossible de rester sur place ; il faut danser avec la foule pour rester debout, un pied sur l’autre, comme un boxeur, toujours en extension, au risque de tomber et d’être piétiné ! Les bras au corps, les poings qui protègent ses lunettes solidement maintenues derrière la tête par un gros élastique, Arsène s’éclate dans cette folle Samba ! La Samba des loubards et des midinettes des favelados des quartiers populaires de Salvador ! La place Castro Alvez est le centre du défilé, c’est là que nécessairement tous les Blocos se retrouvent, le point de jonction des deux boucles du grand huit du circuit. Ce soir, vu du haut de la place, elle se transforme en un immense chaudron en ébullition, en émulsion, illuminée par les néons des Trios et les projecteurs de la télévision. La foule bouillonne littéralement : des têtes, des bras, des poings émergent du magma informe comme d’innombrables pistons. La musique est maintenant tout simplement assourdissante ! Les trios sont si proches l’un de l’autre en rivalisant de puissance sonore qu’il faut se trouver juste devant l’un d’eux pour ne pas également entendre la musique des autres dans une invraisemblable cacophonie… !
Arsène a perdu contact avec ses amis. Vers minuit il décide de prendre quelques repos et se rend à la Cantina da Lua sur la place de la Cathédrale en dehors du circuit. Le repos est tout relatif car la terrasse du grand café est également sonorisée et l’on danse beaucoup là aussi. Il y rencontre Philippe, l’équipier de Francis et Marina sur leur voilier Seychellois « La Buse ». Philippe vient juste de draguer une petite brésilienne de 19 ans : Mariella. Une jolie fille, plutôt petite, bien en chair, des cheveux noirs très frisés sur un visage foncé qu’illuminent un sourire éclatant et des yeux pétillants de malice. Ils dansent tous les trois et la petite s’amuse à les aguicher l’un et l’autre. Un ensemble de Batucabas s’approche et martèle une musique tout à fait démoniaque. Un rythme qu’ils ont l’impression d’avoir déjà entendu quelque part… Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum !
Malgré la fatigue, les corps se déchaînent,
Arsène danse comme un fou, les deux autres également, la
musique les enveloppe, les possède, ils exultent ! Autour d’eux,
des gens s’arrêtent, on fait cercle, on les regarde : cette fille
noire, jeune, belle, sensuelle entourée de ces deux « gringos
» blonds, chevelus, bohèmes et déchaînés
! Une autre gamine se joint à eux ! Elle est superbe ! Elle ne doit
pas avoir plus de 16 ans ! Insolemment, effrontément elle se colle
à Arsène qui n’en croit pas ses yeux ! Une bousculade… la
foule les sépare ! Il la cherche… En vain ! Un peu plus tard il
retrouvera Philippe et Mariella et ils s’arrêteront pour boire une
ultinième bière. Et puis sans savoir ni où, ni pourquoi,
ni comment, Philippe va disparaître lui aussi. Mariella restera avec
Arsène, noyés dans la foule, se tenant la main, dansant amoureusement,
toute la nuit, toute la nuit… ! Boum
! Boum ! …etc.. !
Lundi 5 mars 1984
Arsène se réveille à 15 heures. Tous les commerçants ont fermé boutique depuis 4 jours et cela fait autant de temps qu’il n’a pas fait un vrais repas ! Jacques et Isabelle viennent à bord de « La Cigale » fumer leur premier joint de ce 4 éme jour de carnaval ! Christian rapplique et les invite à prendre un vrai remontant sur son bateau… ! A la nuit tombée, c’est gonflé à bloc par plusieurs lignes de cocaïne que nos quatres amis se dirigeront vers la vieille ville, où les attend : « La Folia do Carnaval de Salvador – Cento Anos de Folia »… Et de fait cette quatrième nuit de carnaval sera celle de la folie pour ces quatres là ! Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum ! Arsène retrouvera Mariella, ils danseront longtemps ! Philippe sera là aussi, avec une autre Brésilienne ! Guy, Eduardo croiseront leur route ! D’autres aussi, qui, le lendemain, diront les avoir rencontrés sans qu’ils s’en souviennent… ! Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum ! Enfin, au milieu de la nuit, venant de nulle part, Valeria apparaîtra ! Valeria, le visage couvert d’étoiles, une silhouette unique et des allures de reine, une moue dédaigneuse et un sourire complice, Valeria la grâce, Valeria la classe, Valeria qui a tout oublié, tout pardonné, Valeria qui l’attire, le fascine et l’envoûte, Valeria qui l’emmène, qui le ramène... ! A bord ...! Ouf... !
Mardi 6 mars 1984
Le soleil de midi, par le capot largement ouvert
inonde la couchette du triangle avant du voilier où Arsène
et Valeria sommeillent. Ils se lèvent et vont aux nouvelles sur
le « John Betty William ». Jacques et Isabelle les gardent
à déjeuner et ils passent l’après-midi à se
remémorer en rigolant les hauts faits de la nuit précédente.
Vers 17 heures, Arséne part seul pour s’y replonger : C’est le dernier
jour, l’ultime nuit du carnaval. Il n’a encore rien pris aujourd’hui, et
ne veut rien prendre : ni alcool, ni drogue. Il veut simplement assister
pour la dernière fois à cette fête colossale, la vivre
et s’en imprégner une dernière fois, en voyeur insatiable.
A la sortie de l’Elevador, la foule est plus
imposante que jamais. Il est extrêmement difficile de se déplacer
pour Arsène qui tente néanmoins de rejoindre Campo-Grande
par la rue du Seto Septembro en remontant les Blocos et Trios qui la descendent
en sens inverse. Son avance est houleuse, chaotique avec des passages périlleux…
Il finit par prendre un mauvais coup dans les côtes qui le jette
à terre en lui coupant le souffle pendant quelques longues secondes.
Boum ! Boum
! Paticaboum ! Caboum !
En deux heures il n’a pas fait plus d’un kilomètre
et il se trouve sur le trottoir, pressé dans la foule des spectateurs,
lorsque s’avance un Bloco traditionnel avec un groupe de Batucabas et de
cuivres qui balance une Samba nostalgique. Une de celles qu’il préfère
: « Oh, que sera amaha ? ». Autour du camion, les participants
du Bloco portent la tunique des « Amigos do Papagaio », les
Amis du Perroquet… ! Un thème sans queue ni tête qui regroupe
les habitants d’un quartier plutôt résidentiel de la côte.
Arsène se souvient que Mariella lui avait expliqué la veille
qu’elle devait défiler avec sa famille et ses amis dans ce Bloco.
Il la cherche des yeux.. ! Elle est bien là ! dansant au pied du
camion, juste en dessous des percussions ! Dès quelle le voit, elle
lui saute au cou et le fait entrer d’autorité dans les cordes du
Bloco. Le voilà maintenant qui danse, chante et défile avec
les « Amigos do Papagaio ». Mariella est aux petits soins pour
son copain « Frances » que l’on présente à toute
la famille. D’un geste rapide elle lui retire sa chemise qu’elle jette
avec désinvolture par-dessus la foule et lui offre une splendide
tunique des « Amis du Perroquet ». Ils sont maintenant enlacés,
adossés au camion qui ne bouge plus. Au-dessus de leurs têtes,
juste au-dessus, à quelques centimètres, il y a 8 tam-tams,
6 tambours et 5 caisses claires qui martèlent un certain Boum
! Boum ! qu’ils ne sont pas prêts d’oublier ! Et
tandis qu’ils s’embrassent longuement, leurs corps soudés ondulant,
la foule immense reprend en cœur cette fabuleuse samba qui fait chavirer
les cœurs d’émotion : « Oh que sera amanha… ? De quoi sera
fait demain.. ? », en une longue plainte incantatoire et pathétique.
L’avance des Blocos est ridiculement lente. Pendant ces quelques heures les « Amigos » n’ont parcouru que quelques centaines de mètres, la foule qui les entoure est compacte et le service d’ordre a du mal à faire respecter l’intégrité de son territoire. Il est maintenant plus de minuit et la musique du Bloco s’arrête tandis qu’on range les cordes. L’ordre de dispersion est donné aux « Amigos do Papagaio ». Partis à 14 heures de Campo Grande, ils auront mis prés de 10 heures pour parcourir moins de deux kilomètres et il est maintenant exclu qu’il puisse atteindre la place Castro Alvez avant l’aube. Mieux vaut se disperser, chacun pour soi, le camion essaiera de s’échapper par une rue transversale. D’autres Blocos, sur instructions des organisateurs en font autant. Seuls, quelques Trios et Blocos, parmi les plus spectaculaires resteront jusqu’au bout.
Arsène part avec Mariella vers la Place Municipale qu’ils atteignent sans trop de difficultés. La fatigue de ces cinq jours se lit maintenant sur les visages, traits tirés, cernes aux yeux, maquillages défaits ! D’immenses Blocos passent encore : Plusieurs milliers de « Commanches » habillés en indiens couverts de plumes comme dans les Westerns, précédent et accompagnent trois chars splendidement décorés représentant les divinités du soleil, de la lune et des étoiles. Le déguisement des divinités elle-même, avec leurs coiffes de plusieurs mètres de haut sont d’une richesse époustouflante. Plus loin un Trio Electrico canalise l’énergie d’une centaine d’adolescents qui n’en peuvent plus mais qui continuent de danser, à la limite de l’épuisement ! De danser et de chanter : « Non le carnaval n’est pas fini ! Non le carnaval ne va pas finir ! Non, ce matin, le jour ne va pas se lever ! Non le jour ne DOIT pas se lever… »
Arsène est épuisé et il a mal partout. Sur la Praça da Se, où il s’arrête avec Mariella pour boire une bière glacée et l’embrasser doucement, il tombe à nouveau sur Philippe qui est accompagné d’une nouvelle Brésilienne jeune, jolie et amoureuse… Le couple s’assoient à leur table et entament une longue conversation au contenu mystérieux et incertain : Elle ne parle pas un mot de français et lui n’est au Brésil que depuis 8 jours… « - Todo Bem ? - Todo Bom ! » Le présent s’éternise dans une imprévoyance et une amnésie divine…
Le jour se lève, il faut se quitter, Mariella doit rentrer ! Elle n’a que 19 ans ! Bien sûr ! Il la raccompagne au terminal de la Baraquinhio. Là, c’est un indescriptible mélange de costumes qui se côtoient aux différents arrêts de bus. De loin en loin, des tambours, des maracas, dispersés continuent de psalmodier un rythme familier à base de : Boum ! Boum ! etc… Partout, des femmes, des enfants sont allongés au milieu de canettes vides, dans les ruisseaux, les pieds s’enfoncent et les pas crissent sur des monceaux de confettis. Les bus, par dizaines arrivent, se remplissent et repartent aussitôt pleins à craquer, sans arrêt. La foule attend et s’écoule, glisse, fluide ! Les visages sont défaits, insolites, étonnés ! LA FÊTE EST FINIE… !
Arsène quitte Mariella sur la promesse incertaine de se revoir. Son cœur est triste, las et amer ; il a probablement des larmes dans les yeux. Il fait maintenant tout à fait jour et les balayeurs sont à l’œuvre pour nettoyer les caniveaux. Sur la place Castro Alvez, la foule est encore dense autour du dernier Trio : « Brilhae », peint aux couleurs de l’aube et de l’aurore : mauve et orange. C’est ce Trio, qui déjà vendredi dernier, à 6 heures du matin, avait inauguré le carnaval. Et c’est lui, ce camion monstrueux, bardés de haut-parleurs, qui le clot maintenant, place Castro Alvez, faisant face à la statue du poète, en surplomb d’une des plus belles baies du monde, dans cette lumière chaude et mordorée de l’aube tropicale, devant ces derniers irréductibles danseurs. Des danseurs qui refusent l’évidence : « Non, il ne fait pas jour ! Non, le carnaval n’est pas mort ! » Et le Trio « Brilhae » continuera jusqu’à dix heures du matin à balancer sur la baie, de ces milliers de décibels, une musique unique et inimitable. Une musique que l’on n'entend qu'au Brésil pendant le carnaval : ça s'appelle « La Samba », c'est un rythme à quatre temps, syncopé, et ça fait : Boum ! Boum ! Paticaboum ! Caboum ! Boum !
Arsène est bouleversé. La tête creuse, les tempes bourdonnantes, vidé de toute énergie, il rentre à son bateau, le cœur plein de regret et d’amertume. Il est épuisé mais ne trouve pas le sommeil. Au-dessus des immeubles de la vieille ville, le soleil se lève rapidement, on entend le trio « Brilhaé » qui continue dans les dernières clameurs à perpétuer la Samba. Et là, au mouillage, Arsène regarde les autres voiliers, il sent les mouvements du sien ! Non, cela n'est pas possible ! Cela doit être la fatigue ! C’est pas vrai ! Et pourtant si ! C’est bien cela ! Etait-ce à cause de la houle...? Du courant de marée ou des vibrations de l’air… ? Etait-ce l’effet du hasard ou des hallucinations dont il était victime... ?
Cela ne faisait pourtant aucun de doute : La «
Cigale » et les voiliers qui l’entouraient se balançaient
au bout de leur chaîne d’ancre au rythme de la Samba… ! Incroyable
sans doute, mais pourtant bien réel :