Tilleul amer ! |
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Célébrée sans interruption depuis 2 siècles le premier mercredi de juillet, la Foire au Tilleul de Buis les Baronnies n'aura pas lieu cette année. La dégradation du marché et l'effondrement des cours liés à la concurrence internationale ont amené la majorité des producteurs à renoncer à récolter la fleur emblématique de cette région que les négociants traditionnels ne sont plus en mesure de payer le juste prix. Le Maire n'avait d'autre choix que d'annuler cette manifestation hautement symbolique. |
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Depuis plusieurs semaines à Buis les Baronnies la rumeur alimentait toutes les conversations. La 197ème Foire du Tilleul aurait-elle lieu cette année... ? Avant de prendre une telle décision, le maire consultait de toutes parts. Jean Pierre Buix eu récemment la certitude que les négociants de plantes aromatiques et médicinales des Baronnies ne se déplaceraient pas cette année à la foire originairement prévue de se tenir le mercredi 6 juillet. Le plus important d'entre eux, Herbissima de Vaison, par la voix de son directeur M. Gravier, confirme le fait et souligne que sa présence sur la foire du Buis n'a plus de sens. "Les ventes en pharmacie ont considérablement chutées, l'effondrement des cours et le marasme du marché fait que nous ne pouvons pas acheter sur la foire du Buis ce que nous ne sommes pas sûr de pouvoir revendre.... Nous achèterons sans doute encore du tilleul des Baronnies aux producteurs auxquels nous avons l'habitude d'acheter, mais nous leur demanderons de l'apporter à nos entrepôts, une fois que nous saurons quels sont nos besoins et à quel prix nous pourrons le leur acheter…" De leur coté les producteurs savent depuis longtemps que les cours se sont effondrés. A l'assemblée générale du syndicat des producteurs de Lavandes et Plantes à Parfum de la Drôme et de l'Ardèche qui s'est tenu en mars dernier à Nyons, on parlait déjà de 5 € le kilo de tilleul (contre 12 à 13 € l'année dernière) et de nombreux producteurs des Baronnies n'avait pas encore écoulé la totalité de la récolte précédente… Autant dire que cette année dans les Baronnies, la cueillette qui commence début juin n'a pas mobilisé grand monde. Jean Claude Blanchard, maire de Bénivay-Ollon, village qui donne son nom à la qualité la plus élevée du tilleul des Baronnies, lui-même producteur de tilleul, confirme: "A Benivay, personne n'a commencé à ramasser le tilleul cette année. Ce qui n'est pas sans conséquence sur l'économie de nombre d'exploitations agricoles de la région pour lesquels le tilleul constitue traditionnellement un complément de revenus non négligeable…"
Mireille Lesbros, la présidente du Syndicat des producteurs de tilleul des Baronnies qui regroupent quelques 75 adhérents en provenance des quatre départements limitrophes, confirme de son coté que l'on assiste à l'aboutissement d'un processus de désaffectation des foires au tilleul. "Cela a commencé voila 10 ans avec la fermeture de la foire au tilleul de La Charce, puis celle du Vercors, l'année dernière ce fut celle de Villefranche le Château qui n'eu pas lieu faute d'acheteurs… Aujourd'hui c'est Buis !". "Cela fait 25 ans que les négociants ne veulent plus des foires" renchérit Laurent Haro, maire de La Charce et grand maître de la Confrérie des Chevaliers du Tilleul des Baronnies, "et il est grand temps que se développe de nouveaux créneaux de commercialisation, de nouveaux relais entre les producteurs et les nouveaux acheteurs soucieux d'un produit de qualité..."
C'est d'ailleurs cette démarche qui est mise en œuvre depuis plusieurs années par le syndicat des producteurs avec le soutien du Conseil Général de la Drôme. "Il faut savoir que de nombreux producteurs du nord de la Drôme vendent (dans des conditions de prix décentes) quelques 13 tonnes par an à "L'herbier du Diois" un tilleul de qualité "Bio" répondant à un cahier des charges strictes…" confirme Nathalie Barberousse chargée de mission auprès du syndicat de producteurs. Or le marché du "tilleul bio" et celui du tilleul de qualité destiné à la pharmacie ou la cosmétologie existent bel et bien et ne demande qu'à se développer. Alors pourquoi les négociants du Buis ne pourraient–ils pas en faire autant ? C'est que ces derniers semblent s'intéresser plus aux infusettes qu'à la pharmacie. Ils achètent ainsi beaucoup à l'étranger (pays de l'Est et Chine), du tilleul de qualité inférieure, à des prix dérisoires, afin d'être mélangé dans des infusettes… Du coup le Tilleul des Baronnies n'est plus identifiable et son cours s'aligne sur ceux de l'étranger…
Est-ce pour autant la fin du tilleul dans les Baronnies ? "Sûrement pas" s'insurgent de concert le maire Jean Pierre Buix et le conseiller général Michel Grégoire: "Le salut du tilleul ne réside pas seulement chez les négociants traditionnels des Baronnies et il est essentiel de poursuivre la démarche engagée par le syndicat: Démarche plus directe pour trouver de nouveaux acheteurs (Internet et nouveaux relais), démarche basée sur l'identification d'un produit de qualité dont la traçabilité sera reconnue par une IGP (Identification Géographique de Provenance) entreprise déjà depuis plusieurs années et qui devrait aboutir dans les 2 à 3 ans..."
"Il faut absolument sauver le tilleul des Baronnies et la Foire du Buis", renchérit Georges Mochot, le président de l'Office de Tourisme de Buis. "La Foire du tilleul du Buis a été longtemps le premier marché de Tilleul au Monde, les manifestations touristico-flolkloriques qui y étaient habituellement liées (concours de vitrine, concours de la plus belle Bourasse, tenue d'un chapitre de la confrérie avec intronisation de Chevaliers, soirée dansante, …) attiraient de très nombreux visiteurs, photographes et journalistes du monde entier et participaient à la promotion de toute la région. Cette annulation, rendue nécessaire par la force des choses n'en demeure pas moins catastrophique pour l'image du Buis dont la renommée est intimement liée à cet arbre. Il est essentiel de trouver dans les années à venir une nouvelle forme de Foire et de Fête du tilleul qui correspondent aux vrais besoins des producteurs et de leurs clients"... Texte et Photos d' Alain Bosmans - Le TAM-TAM
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