Jean
Luc Parant et le "Château Livre" |
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Jean Luc Parant, créateur mondialement connu dans le domaine de l'art et de la littérature, est revenu l'année dernière s'installer au château de Rieuchaud afin d'y poursuivre à Buis les Baronnies une oeuvre multiple et foisonnante. Dans ce " Château " où, justement voilà trente ans, il avait commencé à écrire ses premiers livres. |
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Jean Luc Parant a, dans sa vie, façonné des milliers de boules, aligné des millions de mots. C'est un écrivain qui a déjà publié des dizaines d'ouvrages d'une écriture dense et circulaire qui tient à la fois du poème et de l'essais. Ses textes parlent inlassablement de boules et d'yeux… C'est également un artiste qui réalise des dessins, des tableaux, des sculptures et surtout des installations et assemblages de boules et d'yeux…
Il a participé en trente ans à prés de 300 expositions dans les musées, galeries et centres d'art les plus prestigieux de France et de Navare. Depuis le Centre Georges Pompidou à Paris jusqu'à la Galerie Pascal de Sarthe à Los Angeles ou encore le Palais des Papes à Avignon où, l'été dernier encore, il participait à l'exposition " La Beauté in Fabula " au coté des plus grands noms de l'art contemporain dans le monde. Et dans l'étrange et fascinant parcours du poète et de l'artiste qui, à 56 ans, vient de publier son " Grand Livre " (1), Buis les Baronnies aura joué un rôle de toute première importance qui mérite sans doute d'être mieux connu de ses habitants.
Mais commençons par le commencement : Jean Luc Parant est né aux environs de Tunis le 10 avril 1944. De son enfance, Jean Luc ne garde que des souvenirs obscurs : " Je n'ai jamais aimé avoir un père et une mère. J'ai vécu comme un orphelin, sans parents. Avec mon nom : " Parant ", j'ai toujours pensé que je n'avais besoin de personne pour n'être apparenté qu'à moi-même ". A 16 ans, Jean Luc rencontre Titi qui deviendra la compagne de sa vie, la mère de ses enfants, l'intarissable inspiratrice de son œuvre. " Je suis né une seconde fois le jour où j'ai croisé les yeux de Titi pour la première fois. Ma femme qui n'avait alors que 14 ans et que j'ai tout de suite appelée " Titi " m'écrivit tant de fois " Je t'aime ", dans des lettres, sur des cahiers, qu'elle finit par le tracer sur des feuilles de papier, puis le peindre sur des toiles, jusqu'à en faire une œuvre que Jean Dubuffet aima tant, qu'il voulut rencontrer celui qui était tant aimé. "
Jean Dubuffet sera l'un des premiers artistes à être fasciné par le couple. Il ne sera pas le dernier ! Les plus grands noms de l'art contemporain, de la littérature et de la poésie moderne ont, pour la plupart, croisé la trajectoire romantique de Jean Luc et Titi Parant. L'énumération exhaustive de leurs noms serait fastidieuse, on se contentera de citer les plus grands, les plus fidèles aussi : Michel Butor, Roland Barthes, Aimé Maeght, Claude Viallat, Noël Dolla, Ben, Thierry Agulo, Gilles Deleuze, le cinéaste Geoffroy Pieyre de Mandiargues qui lui consacrera un film, André Cadéré, René Char, Robert Filliou, Georges Perec, Alain Jouffroy, Jean Christophe Bailly, Jean Marie Le Clézio, Pierre Klossowski, Paco Ibanez…
C'est l'écrivain Claude Faraggi qui propose en 1970 au couple de s'installer au château de Rieuchaud. Jean Luc et Titi y séjourneront 2 années entre mai 1971 et mai 1973 avec leur première fille Marie Sol qui venait de naître : " Rieuchaud : Le lieu où tout a commencé, où les textes ont vu le jour et où les boules ont touché l'obscurité. Le premier tas de boules y a été exposé en 1971… " C'est à Rieuchaud que Jean Luc Parant obtint le prix Fénéon pour ses " Boules " avec les voix notamment de Michel Butor, Roland Barthes et Aragon. Rapidement l'artiste l'écrivain, le poète devient célèbre dans le milieu de l'avant garde parisienne de la création artistique contemporaine.
Parti habiter en Ariège, au " Bout des Bordes ", puis au château de Poudelay, Jean Luc Parant se lance alors et pendant 30 ans, de façon quasi compulsive, dans la fabrication de boules par milliers, dans l'écriture névrotique de textes sur les yeux par centaines. D'innombrables œuvres en sortiront qui seront exposés un peu partout en France et dans le monde avec un succès et une notoriété croissante. Des dizaines d'ouvrages seront édités, illustrés de dessins originaux, parfois en très petit tirage, publiés dans des revues d'art prestigieuses, exposés ou lus publiquement dans des lieux renommés, sur des scènes de théâtre, sur les antennes de France Culture, aujourd'hui sur Internet (2).
" A 30 ans je me suis dénommé fabriquant de boules et de textes sur les yeux. Je trouvais alors plus simple d'inventer mon métier que d'être artiste ou poète ou de faire le métier des autres… " Les années ont passé, des enfants sont nés. Marie Sol, Sibylle, Anaïs, Noémie et Quentin sont venus agrandir la famille Parant d'une nouvelle richesse. Car entre-temps Jean Luc a commencé à faire fortune. On s'arrache ses œuvres : " Je me rappelle que les collectionneurs me payaient souvent en liquide des sommes si énormes, emballées dans du papier journal, que je croyais toujours que les billets de banque qu'ils me donnaient étaient faux… "
Mais le poète qui avoue :" si je mettais ma poésie en pratique, je serais un terroriste ", n'est décidément pas doué pour le capitalisme. Riche surtout de ses boules et de ses textes sur les yeux, Jean Luc Parant dilapide encore plus rapidement l'argent gagné en quelques années. Il en conserve juste assez pour faire récemment l'acquisition du " Château de Rieuchaud " où il s'installe avec sa famille l'année dernière. " Je suis revenu à mon lieu d'origine, là où tout a commencé. Je suis revenu à Rieuchaud avec ma rivière de boules et de textes d'yeux. Faire couler les textes, faire rouler les boules… "
Le château de Rieuchaud est en effet devenu aujourd'hui un lieu étrange et attachant que les nouveaux propriétaires ont transformé en une étonnante " Maison de l'Art Vivant " (3). Une vaste salle aux dimensions impressionnantes, que l'on atteint par le jardin, est pleine à craquer d'œuvres tant de Jean Luc ou de son épouse Titi, que d'artistes et auteurs contemporains amis de la famille. A coté des pièces où sont conservés les œuvres du passé, la demeure des Parant est également un vaste atelier où la création continue de s'exprimer au présent, explosant de toutes parts.
Les projets ne manquent pas non plus pour les deux filles aînées Marie Sol et Sibylle qui y ouvriront dés le prochain printemps une bibliothèque d'art et de poésie riche de quelques 30 000 livres. La partie exposition de la Maison sera agrandie et s'ouvrira sur les trois salles du rez-de-chaussée. Elle accueillera des expositions temporaires d'artistes et écrivains contemporains. Enfin, le château de Rieuchaud hébergera dans un proche avenir l'équipement nécessaire à la réalisation de livres d'art qui seront édités sur place en très petit nombre, avec des illustrations originales, sérigraphies, eaux fortes, peintures, dessins originaux…
A Rieuchaud, La " Maison de l'Art vivant " est en train de devenir un " Château Livre " par la grâce de celui qui fut un temps surnommé " le Voyant ".
(1) : " Le Grand Livre de Jean Luc Parant " - Collection " Les irréguliers
" - Editions de la Différence -301 pages - 295 francs - Texte et Photos d' Alain Bosmans |