(article du Dauphiné Libéré du 22 juillet 1998)
Pour la dernière foire au tilleul de la région, à Villefranche le Château, les producteurs ont fini par tout vendre au prix que les négociants avaient prévu depuis le début. Une stratégie qui devrait bénéficier à France lavande et assurer à l’avenir une meilleure organisation du marché.
C’est une effervescence tout à fait exceptionnelle qui se manifestait dés l’aube aux abords du village de Villefranche le château, canton de Séderon, à l’extrémité sud-est du département. Un village qui ne compte habituellement qu’une vingtaine d’habitants, mais qui héberge chaque année à cette période la dernière foire au tilleul de la Drôme Provençale. C’était donc hier que s’étaient donné rendez-vous une centaine de producteurs apportant un tonnage de tilleul que l’on pouvait estimer à au moins 6 tonnes et tous les négociants (9 au total) de la région qui avaient, on s’en souvient, boudé le retour de foire du 8 juillet à Buis pour les raisons que l'on sait (notre article du 9/7/98).
A coté des cinq membres qui composent le G.I.E et de France Lavande dont ils sont devenus récemment les partenaires privilégiés (voir notre article du 5/2/98), avaient également fait le déplacement Jean Paul Gravier d’Herbissima de Vaison, Georges Coutton de Laborel et Gilbert Veyret de l’Herboristerie de la Chartreuse à St Lattier. Sur un terre-plein en bordure de route, un ruisseau asséché qu’enjambe un petit pont séparait les deux camps. D’un coté en plein soleil, la flotte de véhicules hétéroclites des producteurs bourrés de « bourrassées », et de l’autre les acheteurs réunis autour de leurs camions et balances romaines à l’ombrage des tilleuls. Jusqu’à 09 heures on s’observa, Franck Beck, le président de France Lavande faisant d’incessants va et vient entre les deux camps franchissait le Rubicon sans vouloir faire le moindre commentaire. Les producteurs qui, pour la plupart, manipulaient leur chargement pour la troisième fois espéraient encore une augmentation (même modeste) des prix. Mais l’ambiance n’était pas moins morose et portait plutôt à la résignation. A Villefranche, de toute évidence, on n’était pas venu pour se battre ! On était bien venu ici pour vendre son tilleul, quitte à ne pas le vendre bien…
On sut rapidement que ce serait le cas. Les prix furent maintenus, identiques à ceux de la première foire de Buis le 1er ou de celle de Mollans le 6 juillet : entre 40 et 50 francs le kilo selon la qualité. Et rares furent ceux qui le refusèrent ! Par contre ce qui est nouveau, c’est qu’un certain nombre de producteurs se seront cette année tournés vers France Lavande pour vendre leur production. Plusieurs dizaines d’entre eux (pour un tonnage qui était estimé au tiers de ce qui était disponible hier matin sur le terre-plein) auront en effet pris la décision d’adhérer à ce groupement de producteurs en versant un capital social de 3% de la valeur de leurs apports. En échange d’une fidélité dans les apports pendant au moins cinq ans, France lavande garantit pour cette année un prix minimum de 50 francs auxquels viendront s’ajouter les aides consacrées à la production dont bénéficie le groupement de producteurs (qui sont de 7 frs par kilo pour la récolte 1998). Franck Beck précisait néanmoins « que l'aide attribuée au produit (les 7 francs en question) ne sera reversée qu'au vu de l'apport de la récolte en 99 . France Lavande ne peut pas se permettre de distribuer l'argent de l'état s'il n'y a pas de continuité dans l'adhésion… ! Nous travaillons pour organiser le marché, pas pour le replâtrer… ».
De cette crise que le tilleul des Baronnies vient de traverser, il semble donc que France Lavande en sorte renforcée. De 2500 kgs d’apport de tilleul l’année passée (chiffre constant depuis plusieurs années), la coopérative de Montguers devrait voir ce chiffre multiplié par 6 et recevoir quelques 15 tonnes cette année ! Cette modification du comportement de nombre de producteurs de la région s’explique bien sûr par l’effondrement des cours cette année et la mévente consécutive. Mais pas seulement. La nouvelle organisation de France Lavande semble renforcer la confiance que les producteurs mettent désormais dans ce groupement. On y verra également la preuve que chacun aura désormais pris conscience de la nécessité d’organiser la filière. A commencer par les producteurs qui doivent se regrouper.
Dans le tilleul aussi… l’union fait la force !
Alain BOSMANS