(article du Dauphiné du 4 juillet 98)
BUIS-LES-BARONNIES
Refusant la dictature des négociants qui ont fait drastiquement chuter les cours, les producteurs réunis en assemblée s’organisent (enfin !) et se mettent d’accord pour ne plus vendre leur tilleul à moins de 70 francs le kilos. En couverture, « France Lavande » se propose d’assurer la promotion et la commercialisation de cette fleur « impérissable ».
Les agriculteurs des Baronnies, déjà
sévèrement touchés par le gel des vergers au début
avril comptaient bien sur la récolte de tilleul pour compenser le
déficit d’une année qui s’annonce catastrophique pour nombre
d’entre eux. L’effondrement des cours du tilleul constaté mercredi
à la traditionnelle foire au tilleul de Buis (faisant brutalement
tomber d’une année à l’autre le prix du kilo de 80 à
moins de 50 francs) a provoqué un véritable séisme
dans la région. Répondant à l’initiative du maire
Jean Pierre Buix et du député Michel Grégoire, une
assemblée de crise réunis plus de 150 producteurs hier vendredi
3 juillet en fin de matinée dans la salle du foyer J.J.Coupon de
Buis. Une assemblée en colère qui n’a pas digéré
l’affront qui lui a été fait. Car en dehors du manque à
gagner, ce que les producteurs n’ont vraiment pas accepté mercredi
matin, c’est que les quelques grossistes présents les aient fait
attendre prés de trois heures avant annoncer qu’ils n’avaient pas
l’intention d’acheter le tilleul à un prix décent. Au-delà
des chiffres, c’est toute une région dont la fleur de tilleul est
le symbole qui s’est senti humiliée, c’est le producteur que l’on
a déconsidéré, c’est son travail qui s’est trouvé
dévalué.
Pendant plus d’une heure, avec de multiples interventions de producteurs,
la salle fit entendre sa colère et son désarroi mais aussi
sa volonté de refuser l’impuissance et sa détermination à
ne plus se laisser faire.
En présence et avec les conseils de plusieurs représentants départementaux de l’agriculture parmi lesquels M.Vilard directeur de l’ONIPAM, M.Mayer de la DDA, Séraphin Bonfils de la chambre d’agriculture et Gérard Bertrand conseiller Général, une réflexion était menée afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduisent à l’avenir. Ce qui en ressort avec le plus de force c’est qu’il est désormais impératif et urgent que les producteurs se réunissent et se regroupent pour faire face aux exigences du marché.
« Tant que les 15 tonnes offertes chaque année à Buis ne seront pas regroupées dans une seule main, on laissera le libéralisme le plus sauvage fixer les cours au détriment des producteurs » devait affirmer Franck Beck, le président de France Lavande, dont les interventions furent très attentivement écoutées par tous. Il devait en particulier rappeler que la coopérative de Montguers existait déjà pour le tilleul (avec des apports qui se limitent aujourd’hui à 2,5 tonnes) et qu’elle était en mesure d’organiser la filière et de jouer ce rôle de coordination et de promotion du produit face à un petit nombre de courtiers. Avec Michel Grégoire, qui s’est engagé à lancer une étude en ce sens, Franck Beck recommande pour le tilleul la labellisation du produit sur des critères de reconnaissance géographique et de qualité (naturel, bio et conditions d’exploitation). Une telle organisation de la filière derrière la coopérative (celle-ci ou une autre ) permettrait alors de fixer chaque année un prix d’orientation et de négocier en position favorable avec les acheteurs. Il rappelait néanmoins qu’une telle démarche ne saurait être éphémère et que France Lavande n’avait pas vocation à servir de recours pour les mauvaises années seulement… ! « La fidélité sur le long terme des membres à leur coopérative est essentielle pour la réussite d'une telle opération ».
Dans l’immédiat, le maire de Beauvoisin, Pierre Etienne, proposait que, dés mercredi prochain, pour le retour de foire de Buis, tout comme pour les différentes foires de tilleul à venir (Mollans, La Charce, Villefranche), la totalité des producteurs refusent de vendre leur tilleul à moins de 70 francs le kilos. Une proposition qui fut unanimement approuvée et qui devrait être relayé dans les jours qui viennent par le syndicat des producteurs de tilleul des Baronnies. La décision fut prise avec d’autant plus d’enthousiasme que Franck Beck confirmait la possibilité pour France-Lavande d’acheter à ce prix la totalité du tilleul qui n’aurait pas été vendu en septembre (moyennant participation au capital social).
Voici donc une décision qui devrait faire réfléchir les courtiers, grossistes et acheteurs de cette fleur dont il convient de ne pas oublier le caractère éminemment «non périssable »…
Alain BOSMANS