"Le cri du coyote"
 
(Article du Dauphiné Libéré du 19 octobre 1999)
 
Jacques Bremond : « J’aime faire ce que je ne sais pas encore faire… »
 
 
C’est sous ce titre insolite qu’une revue d’initiés, éditée au fin fond de la Drôme Provençale, diffuse dans toute la francophonie des nouvelles de « Country Music ». Aujourd’hui le drôle de « notable » du Buis qui s’y consacre édite en librairie une véritable « bible » pour tous les amateurs de musique nord-américaine.

        Jacques Brémond cache bien son jeu. Sous les apparences débonnaires d’un père de famille paisible qui vient tout juste d’atteindre la cinquantaine, joueur de pétanque redouté et honorable metteur en pages du bulletin municipal dans la bonne bourgade de Buis les Baronnies, nul ne peut soupçonner l’étrange passion qui anime Jacques Brémond depuis 35 ans. Car le parcours du bonhomme n’est pas banal et devrait en surprendre plus d’un, de ses voisins qui le croisent tous les jours dans les rues du chef-lieu du canton du Sud de la Drôme.

        Drômois, il l’est de souche et c’est à Romans qu’il naît en 1948 avec des ancêtres dans les Baronnies, à Beauvoisin, au-dessus de Buis, un grand-père instituteur d’écoles rurales à Reilhanette et Sainte Jalle et un père qui travaille dans la chaussure. Jeunesse studieuse, il poursuit des études universitaires brillantes à la faculté de Lettres de Grenoble où il obtient un diplôme de 3ème cycle en littérature ancienne qui lui permet de devenir enseignant. Chanceux, son service militaire dans la coopération l’envoit justement enseigner le Français dans l’Ouest canadien. Il y restera quatre ans, s’immergeant totalement dans cette culture Nord américaine pour laquelle il manifeste déjà une passion dévorante. La musique « Country » connaît alors, à la fin des années 60, de l’autre côté de l’Atlantique, un engouement populaire considérable.

        Car c’est bien de cela dont il s’agit : La «Country Music », Jacques Brémond est tombé dedans dès l’adolescence à Grenoble et ce séjour de quatre ans au Canada va lui permettre de découvrir, construire, façonner un goût pour la musique nord-américaine qui ne le quittera plus.

        De retour en France à 30 ans, celui qui avoue « aimer faire tout ce que je ne sais pas encore faire… » renonce au confort d’une carrière d’enseignant pour travailler dans l’édition à Grenoble en collaborant aux éditions Glénat (spécialiste de Bandes Dessinées) où il occupe les fonctions de secrétaire de rédaction et de fabrication. Tour à tour dessinateur, rédacteur, technicien de P.A.O., enseignant par correspondance dans le cadre du C.N.E.D., journaliste pigiste collaborant à différentes revues spécialisées dans la musique américaine (notamment « Rock Sound »), participant (déjà) à la rédaction de plusieurs ouvrages et discographies sur le même sujet, Jacques Brémond devient ce « touche à tout autodidacte » qui décide, en s’installant à Buis les Baronnies en 1985, d’aller vivre « comme il l’entend » au pays de ses ancêtres.

        « Comme il l’entend » cela signifie pour Jacques Brémond, d’être son propre patron, de travailler chez lui, quand il le veut, avec qui il veut et pour faire ce qui l’intéresse ou l’amuse… Dans le détail cela signifie que Jacques Brémond continue depuis le Buis à enseigner par correspondance avec le Centre National d’Enseignement à Distance (C.N.E.D.), qu’il met en page plusieurs revues municipales pour lesquelles il prépare des mots croisés ou des jeux, qu’il vend des dessins d’illustration d’articles ou de tee-shirts, des logos publicitaires (on lui doit en particulier le fameux logo de la ville du Buis) et bien sûr des piges ou des mises en page pour des revues spécialisées dans la musique américaine.

        Car cette passion pour la « Country » ne se dément pas au fil des années. Pire, elle se renforce depuis 1987 avec l’édition et la diffusion dans toute la francophonie d’un « fanzine » dont Jacques Brémond est le cofondateur et directeur de publication depuis 12 ans. En effet sous le titre éclatant de « Le Cri du coyote » (1), cette revue spécialisée issue d’un courant de presse « Underground », se consacre exclusivement aux musiques Nord américaines en étant diffusée par abonnement à un public de lecteurs initiés.

        Aujourd’hui Jacques Brémond cosigne (avec Gérard Herzhaft, un autre grand spécialiste français de cette musique, lui-même auteur d’une « Encyclopédie du Blues ») un « Guide de la Country Music et du Folk ». Un ouvrage de référence de quelque 600 pages que l’on trouve en librairie depuis le 13 octobre. Sous la forme d’une encyclopédie alphabétique de plus de 1000 entrées, le livre recense les musiciens, groupes, instruments, genres, de cette musique si mal connue en France et qui, riche de racines très diverses, est la source la plus évidente du Rock n’ Roll et de tant de courants musicaux plus récents. Prolongé par une remarquable sélection discographique commentée, le travail de Jacques Brémond et de son compère Gérard Herzhaft raconte l’histoire de cette musique en étudiant en profondeur ses différents courants. Un ouvrage qui devrait rapidement servir de bible à tous ceux qui, initiés ou désireux de le devenir, s’intéressent à la culture Nord-américaine.

        En attendant le « Country Blues Man Pétanqueur » de Buis les Baronnies n’a probablement pas fini de nous étonner !

        Alain Bosmans

(1) « Le Cri du Coyote » revue française bi-mensuelle diffusée uniquement sur abonnement dans toute l’Europe et l’Amérique du Nord : B.P. 48, 26170 Buis les Baronnies – tel 04 75 28 11 83)
(2) « Guide de la Country Music et du Folk », Gérard Herzhaft et Jacques Brémond, éditions Fayard, octobre 1999 – 600 Pages – 170 Francs)