Une région se mobilise pour sauver Natalia

(Article du Dauphiné Libéré du 26 mars 1999)

                    
Natalia Mykhaylichenko à Noël cette année en France et Odile Royer qui, à la boulangerie de Mollans, a déjà recueilli plusieurs centaines de signatures au nom du comité de soutien Drôme/Vaucluse.

Un large comité de soutien dans le sud de la Drôme et le nord Vaucluse se constitue pour alerter l’opinion sur le drame d’une enfant de 12 ans, d’origine ukrainienne, arrachée à sa famille d’accueil française pour être reconduit de force dans son pays d’origine où sa vie est en danger.

        La boulangère de Mollans, Odile Royer, ne veut pas perdre espoir : « Nous avons déjà utilisé tous les recours, effectué toutes les démarches, plaidé la cause de Natalia auprès du Président de la République, du ministère de la Justice, des Affaires étrangères, aujourd’hui nous faisons appel à l’opinion publique et demain nous écrirons à tous les élus de la région. Il faut que cesse ce drame ». Inlassablement, Odile Royer raconte l’histoire de Natalia Mykhaylichenko.

        Née le 24 avril 1987 dans la région de Tchernobyl, soit un an après la catastrophe, orpheline abandonnée dés la naissance, la fillette est élevée tant bien que mal à Melitopol dans un « orphelinat de maison » ukrainien où sont accueillis déjà 15 enfants. C’est par l’intermédiaire d’une association « Pour les Enfants Victimes de Tchernobyl » qu’elle se rend la première fois en France en juillet 95. Elle y est accueillie dans les Vosges par Michel et Thérèse Rollin, cette dernière, avec sa sœur Odile Royer à Mollans, est d’origine ukrainienne et les deux sœurs imaginent en connaissance de cause ce que doit être la vie d’une orpheline à Melitopol... De 95 à 98, Natalia vient régulièrement séjourner dans les Vosges et en Drôme Provençale où peu à peu la fillette «fait partie de la famille ». En 96, les Rollin qui ont déjà deux enfants de 18 et 20 ans, déposent une demande d’adoption qui sera refusée. Mais c’est en août 97 que l’on commence à s’inquiéter de la santé de Natalia venue passer les vacances d’été à Bulgnéville et Mollans sur Ouvèze et dont la maigreur impressionne. Une hépatite est diagnostiquée, une intervention chirurgicale des yeux est recommandée et, comble de malheur, les dépositions de la fillette auprès de la DVIS et de la brigade des mineures ainsi que les examens d'un pédopsychiatre révèlent que Natalia aurait subi à Melitopol des actes de maltraitance probablement aggravés de sévices sexuels.

        Depuis août 98, de retour en France, dans les Vosges chez les Rollin, la fillette qui a maintenant presque 12 ans exprime le désir de rester dans sa nouvelle famille d’accueil française et refuse de retourner en Ukraine. Le visa expirant le 3 novembre, Natalia qui est désormais scolarisée à Neufchâteau est néanmoins en situation irrégulière en France. Aussi lorsque l’Ukraine demande officiellement le 10 décembre 98 le retour de l’enfant dans son pays d’origine, le drame se noue. Dans les Vosges, Thérèse et Michel Rollin, tout comme à Mollans, Odile et Dominique Royer, remuent ciel et terre pour « que le bien-être d'un enfant passe avant les réglementations internationales ». Mais rien n’y fera. Le premier mars, le plus légalement et le plus légitimement du monde, l’Ukraine aura « récupéré contre sa volonté » en France l’une de ses ressortissantes de 12 ans avec le concours de la force publique française. Il y faudra en effet l’intervention au domicile des Rollin de cinq gendarmes (pas moins) agissant à la requête du procureur de la République d’Epinal, celui ci le faisant sur demande de la chancellerie, laquelle a été saisie par le ministère des affaires étrangères répondant à la demande du gouvernement ukrainien…

        « Ma mère est ukrainienne, ma famille maternelle vit en Ukraine où j’ai séjourné à plusieurs reprises. Je connais les conditions de vie là-bas : je crains pour la vie de Natalia. » explique la boulangère de Mollans qui invite ses clients à signer la pétition du comité de soutien Drôme/Vaucluse qui s’est récemment constitué (1). Déjà des centaines de signatures ont été recueillies à Mollans et dans les Baronnies Drômoises, mais également à Camaret sur Aygues et Orange, où la famille Rollin/Royer compte de solides soutiens et où la mobilisation atteint les écoles.

        De nouvelles stratégies sont maintenant envisagées notamment en sollicitant l’appui de plusieurs associations luttant pour les droits de l’homme. Des questions en effet restent en suspend : A quelle logique a-t-on répondu en contraignant Natalia à retourner contre son gré vivre en Ukraine dans des conditions qui suscitent la plus vive inquiétude... ? La France n’a-t-elle pas contrevenue à la convention des droits de l’enfant en ne tenant pas compte dans cette affaire du désir de celui-ci… ? Enfin n’est-il pas trop tard pour que les autorités compétentes, au plus haut niveau, interviennent pour s’assurer qu’aujourd’hui, où qu’elle soit, Natalia puisse bénéficier des soins médicaux, du suivi psychologique et de l’environnement affectif que nécessite son état… ?

        Alain BOSMANS

(1) Comité de soutien Drôme/Vaucluse à Natalia Mykhaylytchenko :
Odile Royer –26 170 –Mollans sur Ouvèze – 04 75 28 72 61
Robert Itier – quartier Guariguette – 84 850 Camaret sur aigues
Thierry Chaussy – Résidence Largensol – 84 100 Orange
Internet : alain.bosmans@wanadoo.fr