Un poète aux Ursulines
 

(Article du Dauphiné Libéré du 23 juin 1999)
 

  
Christophe Liron, un plasticien pour qui l’art colle à la peau, littéralement - Son invention déroutante : Le « Ellivre »


Il vient de Millau en passant par toute l’Europe, il expose à Buis une œuvre attachante et métaphorique faite de peaux et de poésie.
 

        Il est sympa Christophe Liron. Il porte sa quarantaine avec désinvolture, un gilet multicolore, une cravate en bois, de minuscules moustaches et favoris sur le visage. L’homme, éminemment cultivé, parle pendant des heures de ce qui le passionne : Les mythologies, le métissage des civilisations, le mélange des matériaux, le nomadisme et la quête philosophale. Christophe Liron est un artiste, c’est également un poète et un plasticien. Le pire c’est qu’il en vit, et c’est tant mieux !

        Né en Aveyron à Millau, la capitale du gant, issu de quatre générations de gantier, aussi bien du coté paternel que du coté maternel, Christophe Liron est resté imprégné de l’héritage de sa ville natale au point de ne se servir aujourd’hui quasi-exclusivement que du cuir comme support aux tableaux et sculptures qu’il nous propose d’admirer depuis samedi aux Ursulines. La peau est devenue le matériel de prédilection de l’artiste, s’en servant de base à ses tableaux, de matière pour ses sculptures, la malaxant et inventant un matériau nouveau : « Le papier de cuir ». Un matériau qui « à l’instar de l’argile se prête au modelage et ne ressemble vraiment à aucun autre, chaleureux dans sa matité et profond dans sa finesse même » explique-t-il. Ce qui fascine l’artiste dans le travail de la peau et du cuir sous toutes ses formes, c’est le rapport à l’identité, le tissu vivant, animal. « La peau est l’enveloppe du vivant, elle sert à toucher, à nous toucher. » Les œuvres présentées sont surprenantes, parfois déconcertantes, toujours attachantes comme ses statuettes sculptées en peau d’agneau « Les Mustoff’s ». Des personnages sans visage, voyageurs, bergers ou moines, drapés d’habits traditionnels, symboles d’un nomadisme immobile que l’on devine chez leur auteur.

        Car Christophe Liron est aussi un écrivain, un poète, un amoureux des mots et des livres qui est venu à l’expression artistique par l’écriture. « Les mots sont la peau de l’esprit ». Pas étonnant donc que l’artiste se plaise, non sans humour parfois, à jouer autant avec les mots qu’avec la peau. Tel ce poème « Hommage aux bêlants » imprimés sur peau d’agneaux ou encore cet objet-livre, « l’Ellivre ». Un drôle de nom pour un drôle d’objet. Une sorte de moulin à prières, réunissant l’ellipse et le livre sous la forme d’un manche en bois se prolongeant d’un axe en aluminium autour duquel se déploient des lames de papier qui sont autant de pages contenant des maximes, aphorismes ou éclats de poèmes. Un objet profondément original qui réinvente le sens de la lecture et séduira tous les amateurs d’expression insolite.

        Oui, décidément, Christophe Liron est sympa et son exposition qui restera au Buis jusqu’au samedi 3 juillet est à découvrir d’urgence. Ouvert tous les jours de 14 heures à 19 heures sauf le lundi. Le samedi et dimanche de 10 heures à midi et de 14 heures à 19 heures.


        Alain Bosmans