Un nomade à "La Sarrasine"
 

(Article du Dauphiné Libéré du 20 juillet 1999)
 

   
Jean David à la Sarrasine: Sa vie de nomade s’inscrit dans la grande tradition des troubadours, trouvères, poètes, pèlerins errants, en quête des autres et de soi-même...

Il est venu d’orient pour nous faire découvrir les subtilités des instruments de musique de la Renaissance. Eternel nomade de l’expression artistique la plus exigeante il aménage au cœur des Baronnies un oasis de paix et de beauté où il compte finalement se marier comme dans un conte de mille et une nuits. Le destin de Jean David dessine l’attachant portrait d’un personnage fantasque aux multiples talents.
 

        Jean David est un poète. A moins qu’il ne soit musicien, artiste, luthiste, conteur ou tailleur de pierres… Jean David est français, ce qui ne l’empêche pas de parler couramment l’arabe, sa langue natale (Jean David est né en 1946 à Oudja –Maroc), mais aussi l’hébreux (la langue de ses ancêtres juifs Séfarades) qu’il a appris en France en étudiant des années durant le joyau de la Bible « Le cantique des cantiques » (Chir Hachirim). Jean David est domicilié à St Auban sur Ouvèze au cœur de l’arrière pays baronniard, mais il passe le plus clair de son temps dans un camping-car (qu’il appelle son chameau à roulettes) à courir les routes de France et d’Europe. Depuis 30 ans, Jean David est en tournée, se produisant de villes en villages, d’écoles en scènes nationales, de théâtres en universités, de festival en colloques. Tout un parcours de chansonnier populaire, de musicien pèlerin, de conteur itinérant au répertoire changeant, exigeant, insaisissable…

        Jean David a fière allure : La voix douce et mélodieuse contraste étonnamment avec la puissante silhouette athlétique de celui qui s’exprime avec sérénité. La chevelure est longue et abondante, d’un noir de jaie, retenue dans le dos par un catogan. Une toque de laine lui sert de couvre-chef pendant la méditation et la prière. Jean David est un mystique qui a l’expérience de tous les publics. Celui du « coin du feu », celui de la rue, celui des petites et grandes scènes et surtout Jean David a le respect de l’auditeur, du spectateur, du petit comme du grand. Il a compris qu’au-delà des genres, au-delà du talent, l’artiste transmet sa qualité d’être. « On devient ce que l’on chante.. » se plait-il à dire.

        Et Jean David est devenu profondément un « Nomade ». Un nomade dont le destin sera marqué par cette incroyable aptitude à voyager, à marcher, tel «l’homme aux semelles de vents », éternel juif errant. La vie de Jean David c’est aussi l’itinéraire d’un enfant d’immigré, fidèle à ses origines, qui épouse la culture du pays d’accueil. Du Maroc, que ses parents modestes commerçants doivent quitter à l’indépendance, il gardera toujours le souvenir de la culture berbère dont il saura plus tard si bien chanter les contes. Arrivé à 11 ans en France, il poursuit à Lyon de brillantes études de sciences politiques « qui mènent à tout… » affirme-t-il avec le sourire. Dans les années 60, il joue de la guitare et commence à se produire avec un groupe de Rock, puis découvre le Folk américain avant de puiser dans le vaste réservoir de la chanson populaire française. Mais c’est la rencontre avec un instrument, le luth (tout à fait méconnu à l’époque), qui va définitivement orienter sa carrière d’artiste. Dés les années 70, Jean David sera le premier luthiste à composer et enregistrer en France un disque de musique contemporaine avec cet instrument. Interprète d’une grande finesse, il aura beaucoup contribué à faire connaître l’instrument de la Renaissance dans les maisons des jeunes et les écoles. Aujourd’hui il en est à son neuvième album dont le titre « L’enfance de Salomon » mêle et retrouve les racines culturelles et religieuses de l’interprète dans ce conte biblique écrit par Claude-Henri Rocquet qu’il agrémente de chants hébreux (1). La presse unanime a d’ailleurs salué cette édition dont « l’écoute réserve ses merveilles aux rêveurs et aux silencieux » pouvait-on lire dans Le Monde du 24/3/99 sous la plume d’Anne Bustaret. Entre temps Jean David aura parcouru avec son camping-car l’équivalent de plusieurs fois le tour de la terre, produisant jusqu’à 400 représentations par an dans toute l’Europe.

        Oui Jean David est bien ce nomade qui s’inscrit dans la grande tradition des troubadours, trouvères, poètes, pèlerins errants, en quête des autres et de soi-même : « Tout est écrit ! La force du destin est considérable… » Difficile de contredire sur ce point celui qui, venant d’Orient aura quitté voilà 15 ans le village de Bédoin (dans le Vaucluse) pour acheter à St Auban sur Ouvèze une étrange et superbe demeure qui s’appelait déjà « La Sarrasine »… (du nom familier que l’on donnait à l’épouse de l’ancien propriétaire, Pierre Sarrasin).

        La Sarrasine, une bien étrange demeure en vérité. Située en plein cœur de St Auban, c’est une sorte de forteresse médiévale, un décor de pierre qui surplombe un point de vue grandiose sur la Vallée de l’Ouvèze et ses champs de lavande. Une demeure immense qui prendra son nouveau propriétaire au piège de ses charmes au point de lui faire engloutir tout son temps libre et ses économies depuis 15 ans. Une vaste pièce voûtée servant anciennement d’écurie sera transformée en auditorium. Les soubassements sont en cours d’aménagement en loges pour artistes, les terrasses en salle de spectacle de plein air, un autre bâtiment sera bientôt capable d’héberger des pensionnaires en dortoir avec sanitaires, salle de répétition, de musique, d’art plastique… Tout est encore en chantier mais le projet est là : Transformer la Sarrasine en « un Oasis, un lieu de paix, d’accueil et de création pour les amis, les voyageurs, les pèlerins de l’art… » Pour se faire, Jean David ira jusqu’à se faire tailleur de pierres, architecte, maçon, menuisier, mettant au service de cet aménagement pharaonique tout les talents d’un extraordinaire autodidacte.

        Mais le plus fou de ses projets est encore à venir. Ce sera pour l’été de l’an 2000. Jean David, qui avoue à 53 ans de nombreuses aventures féminines, ne s’était pourtant encore jamais marié. Une lacune qu’il a décidé de combler en épousant Marie, sa fiancée, en juillet de l’année prochaine. « Nous organiserons alors à la Sarrasine une fête qui durera 7 jours et 7 nuits avec des concerts, des spectacles et des réceptions ininterrompues auxquels participeront tous mes amis artistes du monde entier. Nous appellerons cette fête, en toute modestie, « Salomon de Jérusalem à St Auban » et en l’honneur de Marie, la Sarrasine ne sera plus alors que calme, luxe et volupté… »

        En attendant ces agapes mirobolantes, ceux qui souhaiteraient rencontrer Jean David et découvrir le talent de cet être d’exception, doivent savoir qu’il se produira cet été dans la région : le 6 août au festival du conte de Bourdeau (26), (« La neuvaine du conte » où il interprétera « Le cantique des cantiques » et « L’enfance de Salomon »). Puis à nouveau le 9 août dans le cadre du festival d’Eourres (26).
 

Alain BOSMANS

(1) Jean David « L’enfance de Salomon ». Distribution : Studio SM 1998 – 54 rue Michel ange – 75016 - Paris