Les marins de Montauban...
(Article du Dauphiné  Libéré du 1 er  janvier 1999)
 
 
C'est dans leur repaire de Montauban et dans la neige des Baronnies que Olivier et Laurence accueillent  leurs  copains des mers du Sud
 
Avec Jean Do Boudot de "La belle Poule" et Arthur Bosmans de "La cigale" avant de retrouver "Iférouane" dans un mouillage polynésien...
 
 
 
Natifs des Baronnies, partis aux antipodes découvrir les joies de la navigation hauturière et l’exotisme des îles sous le vent, Olivier et Laurence Clary reviennent régulièrement au pays. Se faisant, ils sont en train de lui donner une vocation aussi nouvelle qu’inattendue…

                     « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… ». Si la froidure de l’hiver aux confins de la Drôme et des Hautes Alpes n’a pas grand chose à voir avec « la douceur Angevine » dont parle le poète, le bonheur de retrouver ses montagnes est pourtant toujours aussi grand au cœur de ceux qui, pour avoir voulu goutter « l’air marin... », en ont été longtemps éloigné. C’est à l’évidence ce que confirme Olivier et Laurence Clary qui, chaque année, reviennent de l’autre bout du monde passer leurs vacances dans la belle demeure familiale du hameau de Ruissas, commune de Montauban sur Ouvèze à l’extrémité sud-est des Baronnies.

        Parler « d’air marin » et de « l’autre bout du monde » n’est pas du domaine de l’euphémisme puisque c’est sur un voilier et à Tahiti, capitale de la Polynésie Française, au beau milieu de l’océan Pacifique, que ces drôles de Drômois résident neuf mois sur douze depuis plus de 10 ans. Lui, grand, costaud, une stature athlétique sous un visage jovial, la peau buriné par le soleil et les tempes grisonnantes. Elle, petite, menue, un visage souriant et malicieux qu’encadre une lourde chevelure châtain, longue et bouclée.

        Le parcours étonnant de ces deux grands navigateurs se racontent avec modestie au coin du feu de la ferme de « Fondaïne » à Montauban sur Ouvèze où Olivier est né voilà déjà 50 ans. «Mes parents étaient agriculteurs, paysans de père en fils à Ruissas depuis des générations. J’ai été à l’école primaire ici même. Il faut dire qu'au début des années cinquante, Montauban comptait plus de 300 habitants et 2 écoles, l'une à La Combe et l’autre chez nous à Ruissas . Puis j’ai continué mes humanités au collège du Buis et enfin à l'Ecole Normale d'Instituteurs de Valence suivant en cela, comme beaucoup d’autres depuis le début du siècle, le chemin traditionnel de la promotion sociale des enfants de paysans Drômois. Rejoignant mon premier poste d'instituteur à Penne le Sec dans le Diois, j'ai poursuivi parallèlement un cursus complémentaire afin de devenir professeur d'éducation physique dans le secondaire. Les hasards d’une affectation dans la coopération à Madagascar durant mon service militaire et un goût prononcé pour l’outremer m'incitèrent à persévérer dans le cadre de la francophonie. Et c’est ainsi qu'avec beaucoup de chance je devais me retrouver en 1974 prof de psychopédagogie à Abidjan chargé de la formation des futurs enseignants Ivoiriens. »

        Et c’est toujours le hasard (et encore la chance) qui lui fit rencontrer 4 ans plus tard une jeune assistante française qui venait d’être affectée au département de géologie de l’Université Nationale de Côte d’Ivoire. Laurence prend le relais et poursuit le récit : « Nous étions l’un et l’autre fou de voile et notre grand projet fut tout de suite d'acheter un voilier qui nous emmènerait autour du monde. » Le voilier sera acheté en 1980 à Fécamp et pendant cinq ans servira à l’entraînement du couple qui n’aura de cesse de naviguer à chaque congés scolaires. Un magnifique sloop neuf en aluminium de 42 pieds baptisé « IFEROUANE » sur lequel Olivier et Laurence croiseront dans l’atlantique de l’île de Ste Hélène à celle d’Ascension, d’Abidjan aux Canaries en passant par le Togo et la France. Et puis en 1985, ce sera le grand départ : les amarres sont larguées, l’aventure et le bonheur voguent de concert, Iférouane trace sa route sur les mers du globe, ses escales en font rêver plus d’un… Les Antilles, le Vénézuela, Panama, les îles Galápagos, les Gambiers puis les Marquises, Tahiti et les îles sous le vent une première fois, la Nouvelle Calédonie et la Nouvelle Zélande jusqu’au retour en Polynésie Française en 88 où l’équipage d’Iférouane décide de renflouer la caisse de bord en réintégrant l’Education Nationale. Justement un poste de directeur des services sportifs universitaires et un autre de maître de conférence en géologie à l’université Française du Pacifique se créent. Ils seront pour Olivier et Laurence…La chance sourit aux audacieux… !

        Depuis maintenant 10 ans, « IFEROUANE » est mouillé au yacht-club de Papeete, Olivier et Laurence continuent à y vivre à bord, se rendant au travail chaque matin en dinghy. De temps en temps l’ancre est levée pour aller découvrir d’autres mouillages et atolls, d’autres criques, explorer d’autres fonds sous-marins, dans des décors à la Gauguin, sur des îles aux allures de Marquises... Et puis voilà 10 mois, toujours là bas de l’autre coté de la terre, un enfant est né sur « IFEROUANE » : Adrien, un petit moussaillon qui pour la première fois cet hiver découvre la neige qui tombe à Noël, silencieuse, sur le hameau de Ruissas.

        Car son père Olivier Clary n’a pas oublié ses montagnes natales, même si, à chacun de ses retours, il note avec quelque mélancolie combien elles ont changé en son absence. La commune de Montauban ne compte plus que 80 habitants dont seulement une quinzaine l’hiver au hameau de Ruissas. Une à une, les exploitations agricoles ont fermé. A Ruissas le dernier paysan a pris sa retraite l’année passée et il n’y a plus d’école au village depuis les années soixante-dix… La relève est artificiellement assurée par de nouveaux venus qui ont acheté des fermes pour en faire des résidences secondaires. Mais un village peut-il vivre avec une population saisonnière… ?

        Alors, faute de travailler la terre de ses ancêtres et de pouvoir en vivre, Olivier Clary n’a pas du moins renoncé à s’en faire le jardinier et l’ardent défenseur… A chacun de leurs séjours dans les Baronnies, deux fois par an et pendant plus de 3 mois, les Clary se consacrent à l’entretien et à l’aménagement de la ferme familiale et de ses dépendances. Laurence s’est lancée depuis 10 ans dans une plantation de chênes truffiers (dont elle attend encore les premiers résultats…), tandis que Olivier a entrepris la plantation et l’entretien de plusieurs centaines d’arbres d’ébénisterie (Noyers, Cormiers, Alisiers, etc…).

        Ces éternels estivants s’appliquent par ailleurs à faire connaître la région partout où ils vont et leur demeure des Baronnies est connue pour recevoir des amis de passage (qui sont nombreux), des copains de voiliers rencontrés à d’autres altitudes, sous d’autres latitudes. Si bien que de plus en plus, d’Abidjan à Nouméa, des Antilles aux Gambiers, dans les marinas et mouillages les plus exotiques, le village de Montauban sur Ouvèze commence à avoir la flatteuse réputation d’être un repaire de « vagabonds des mers du sud » chers à Bernard Moitessier. N’a-t-on pas vu là-bas pendant 3 ans le spectacle insolite d’une coque de voilier se construisant en plein champ à 850 mètres d’altitude sur les hauteurs de Ruissas juste au-dessus de « Fondaïne »…(1)

            Un voilier dans l’alpage…Des marins à Montauban sur Ouvèze… ? Marins… ? Marrant… ! Décidément ces montagnes des Baronnies n’ont pas fini de nous surprendre… !

        Alain BOSMANS

(1) Le voilier était celui d’un navigateur allemand, Horst Rummert, qui séjourna 10 ans à Montauban sur Ouvèze et y entreprit de 95 à 97 la mise en forme d’une coque en aluminium. Il se trouve encore actuellement sur le Rhône à la base nautique de « l’épervière » de Valence en cours d’équipement. Il y fut transporté en novembre 97 après avoir traversé toute la Drôme par la route…

 

 
Famille, je vous aime...
 
(article du Dauphiné Libéré du 30 juin 1999)
 
Les 105 descendants Clary réunis à Montauban cet été.
 
        Une imposante réunion de famille vient de se tenir cet été à Montauban sur Ouvèze (85 habitants au dernier recensement, plus précisément au hameau de Ruissas (une vingtaine d’habitants l’hiver) au quartier de Fondaïne, nom de la ferme familiale des Clary de Montauban. Pas moins de 105 descendants de Jean François et Nancy Clary (cette dernière, née Quenin et tous deux natifs de Ruissas au siècle dernier) s’étaient donnés rendez-vous dans le berceau de la famille aux sources de l’Ouvèze dans le fond Baronnies. Il faut dire que les ancêtres, Jean François Clary (décédé en 1945) et son épouse Nancy (décédée en 1954) avaient eu 10 enfants, tous nés à Montauban : Paul, Régis, Marie, Emile, Martial, Edmée, Louis, Charlotte, Jeannette et Francis. La famille la plus prolifique de ces 10 enfants fut celle de Régis qui était représentée à cette réunion par 44 descendants tandis que les enfants de l’aîné Paul ne se retrouvaient qu’à trois.

        Ce magnifique rassemblement des Clary de Montauban sur Ouvèze a été organisé à l’instigation de deux des petits-fils : Olivier Clary, qui réside toujours sur son voilier en Polynésie française où il est enseignant et qui revient à chaque vacances scolaires faire revivre la demeure ancestrale et de Jean Paul Blanc, un autre petit fils de Nancy et Jean François Clary, résidant à Bollène.

        De tels rassemblements ont lieu traditionnellement tous les 10 ans. Le dernier qui avait déjà réuni une centaine de descendants s’était déroulé en 1990. Combien seront-ils en 2010 ? Tout en adressant ses félicitations à cette heureuse famille, le correspondant local du Dauphiné s’engage à être là dans 10 ans pour les compter !

       Alain Bosmans