Disparus de nos montagnes depuis plus d’un siècle,
le plus grand des rapaces d’Europe : « Le vautour fauve » fait
l’objet depuis 10 ans d’un ambitieux programme de réintroduction
dans les alpes du Sud. A Remuzat, où 15 nouvelles bêtes viennent
d’être lâchées, le bilan de l’implantation de cet éboueur
de la nature est excellent.
Perchées au sommet des falaises abruptes qui dominent la vallée de l’Eygue au dessus du village de Remuzat, les deux volières de l’association « Vautours en Baronnies » contiennent 34 vautours fauves (Gyps Fulvus). L’oiseau géant (jusqu'à prés de 3 mètres d’envergure) est facilement identifiable grâce à son long cou recouvert d’un fin duvet et engoncé dans une collerette blanche, tandis qu’un œil perçant, surmonté par une arcade prononcée, lui donne un air sévère. Les 15 qui doivent être lâchés ce samedi matin ont été regroupés dans une seule de ces vastes cages de 250 m2 sur 2 mètres de haut. Cela fait trois années qu’ils sont tenus captif à cet emplacement. Une captivité rendue indispensable pour ces vautours récupérés dés le plus jeune âge dans des centres de soins pour la faune sauvage ou des parcs zoologiques Français ou Espagnols. Trois années pendant lesquelles ils ont put s’imprégner du climat et du paysage de Remuzat, établir des liens entre eux, créer des couples, former une colonie et atteindre âge adulte avant d’être libéré.
LIBRES...! enfin... ou déjà... ? A les voir hésiter au moment de sortir après que l’on eut ouvert en grand la porte grillagée et disposé une carcasse de mouton pour les inciter à la franchir, on peut se poser la question. Le spectacle n’en est pas moins étonnant et la cinquantaine d’ornithologues passionnés qui se sont déplacés pour y assister (certain de fort loin), ne s’y sont pas trompés. Instants privilégiés où chacun garde le silence respectueux devant ces « Fauves » au port altier et à la démarche maladroite dans leurs premiers moments de liberté. Dans l’attente du premier saut dans le vide, timide d’abord, puis goûtant les grands espaces, la première envolée planante et vertigineuse, et le premier ballets aériens si spectaculaire de ces somptueux oiseaux au dessus des montagnes Baronniardes après un siècle d’absence.
En fait, huit jours seront nécessaires aux vautours pour réapprendre parfaitement à maîtriser les courants d’air et retrouver une liberté de vol total ; sous haute surveillance quand même ! Les vautours ont été en effet, auparavant, équipés de bagues et d’émetteurs permettant leur identification et leur suivi. C’est le deuxième lâcher de ce type réalisé à Remuzat en moins d’un an. Avec succès puisque sur les 15 premiers vautours libérés le 7 décembre 1996, on ne compte qu’une seule disparition, trois décès par électrocution sur le réseau haute tension et qu’aujourd’hui 11 vautours ont, dans un périmètre d’une dizaine de kilomètres de rayon autour de Remuzat formé une collectivité solidaire et homogène. Un bilan que Christian Tessier, le naturaliste employé par l’association « Vautours en Baronnies » pour mettre en place et assurer le suivi de cette opération, juge « excellent ». Le jeune ornithologue, devenu un spécialiste passionné des vautours en France, ne cache pas qu’il est très optimiste sur les chances de survie et d’adaptation au milieu des nouveaux venus qui devraient être rapidement assimilé au groupe ancien. De toute évidence, le massif des Baronnies dans le sud de la Drôme constitue bien, avec ses nombreuses falaises, ses vents violents et son ensoleillement annuelle important, un milieu écologique très favorable pour cette espèces aux caractéristiques si particulières. A n’en pas douter, les résultats de ces premiers lâchers de Remuzat seront suivit avec beaucoup d’attention dans toute la région. Le programme « Vautours » dans les Baronnies s’inscrit en effet dans un projet plus vaste, à l’échelle des Alpes du sud et qui comprend trois autres sites de réintroduction : un premier lâcher dans la bordure sud du Vercors est prévu fin 98 qui sera ultérieurement suivi d’autres réintroduction de vautours dans les gorges du Verdon et le massif du Lubéron.
Les objectifs de ce programme sont multiples. En réintroduisant les vautours, la région reconstitue l’environnement naturel dans lequel cet animal était présent jusqu’au début de ce siècle en nombre important sur tous les massifs de moyenne montagne du Sud de la France. Le vautour, d’autre part, oiseau rapace charognard, remplit le rôle précieux d’éboueur et d’équarrisseur naturel auprès des animaux morts de troupeaux ou de bêtes sauvages (chamois, lapins, etc...) évitant ainsi les pollutions de cours d’eau ou nappe phréatique dues à la lente dégradation de cadavres d’animaux dans la nature. Enfin, le vautour est un oiseau spectaculaire dont la taille, l’élégance de ses vols collectifs et la curiosité de ses mœurs (voir ci dessous) suscite la curiosité et constitue un excellent support pédagogique pour parler des oiseaux en général et un pole d’attraction touristique de toute première importance.
Inutile donc de s’étonner de voir tant de contribution et de partenariat se retrouver pour supporter le projet « Vautour » qui bénéficie d’un financement multiple : Public avec la participation de l’Union Européenne, du ministère de l’environnement, du Conseil régional, du conseil Général et du Syndicat d’Aménagement des Baronnies (SAB). Privé avec le parrainage de sponsors individuels comme Calvin Russel (un chanteur de blues américain passionné de vautour) et Paul Geroudet (une sommité de l’ornithologie contemporaine), ou institutionnels avec la « Fondation nature et découvertes » émanation de la « Fondation de France » et le F.I.R. (fonds d’intervention pour les rapaces). Au centre de ce dispositif on trouve « l’association Vautours en Baronnies », créée en 1987 et employant le jeune naturaliste Christian Tessier devenu à Remuzat un ornithologue spécialiste autodidacte des vautours Fauves, ainsi que Sylvette Morena, une bergère chargée à temps partiel de la collecte de carcasses de bétail ovin et caprin pour l’alimentation des vautours. Une association qui a pris soin dans sa fondation même d’associer les différents acteurs de la chaîne écologique concernée par la réimplantation des vautours dans la région. Que ce soit les élus des communes voisines, les naturalistes de la F.R.A.P.N.A. 26, les chasseurs de la F.D.D.26 et les éleveurs ovins et caprins des environs.
Et ça marche. Les vautours sont là, ils planent paisiblement et on commence à venir en nombre pour observer leurs grandes ombres glissant sur les parois rocheuses qui dominent la vallée. Le centre de vacances « Les Lavandes » à Remuzat, idéalement placé pour l’observation des vautours accueille toute l’année des classes de découverte, des familles ou des groupes de randonneurs armés de jumelles tandis que dans les différents campings, gîtes et hôtels de la région on se félicitent de l’arrivée de ce nouveau tourisme ornithologique. Le scepticisme que certains avaient cru bon d’afficher au lancement du projet laisse désormais place à un sentiment unanime de satisfaction et de fierté à avoir accueilli ces nouveaux habitants des falaises.
Qu’on se le dise : Les Vautours sont de retour dans
les Baronnies et, après une si longue absence, ils sont les bienvenus.
!
En vol, cet oiseau se reconnaît par son envergure imposante : 2,6 à 2,8 mètres, ce qui en fait l’un des plus grands rapaces d’Europe. Handicapé par un poids avoisinant les 9 kg, il va utiliser pour se déplacer le vol plané se servant de ses ailes immenses pour se laisser porter par les masses d’air en mouvement, c’est à dire les ascendances thermiques et le vent (il a besoin de soleil et se régale du Mistral). Armé d’un bec recourbé et de puissantes serres cet imposant rapace est parfaitement inoffensif n’étant nullement prédateur mais un charognard nécrophage se nourrissant exclusivement d’animaux morts.
Peu prolifique (un jeune par an), pourvu d’une maturité sexuelle tardive (à partir de 6 ans) mais d’une longévité importante (de l’ordre de 50 ans) il vit en couple monogame et en colonies grégaires pouvant atteindre une centaine de couples. La saison des amours va commencer dès le mois de décembre par des ballets aériens spectaculaires. L’œuf sera pondu en janvier ou février dans une aire confortable située en parois rocheuse. Deux mois plus tard aura lieu l’éclosion d’un poussin vautour qui pèsera environ 150 gr. Après quatre mois d’un régime alimentaire très riche, le poussin aura atteint la taille de ses parents et sera en mesure d’effectuer son premier vol.
Le Vautour Fauve est doté d’une vue perçante qui lui facilite la recherche de nourriture. Capable de déceler une carcasse de 30 cm à plus de 3000 m de distance, il profitera de ses interminables vols planés dans le vent pour observer le relief tout en surveillant le comportement de ses collègues. Lorsque l’un d’eux repère une carcasse, il s’en approche, indiquant par là même aux autres vautours la présence de nourriture. Ainsi en quelques minutes la colonie complète est prête à commencer la curée. Pour une vingtaine de vautours, 10 à 15 minutes suffiront pour consommer la totalité des tissus mous du cadavre d’une brebis. Après leur passage, seuls resteront les os et la peau. Lorsqu’ils s’alimentent, les vautours fauves peuvent ingérer plus de 2 kg de nourriture. Comme leurs besoins journaliers ne dépassent pas 400 grs, ils peuvent rester plusieurs jours voir plusieurs semaines sans manger.
Pour en savoir plus, l’association « Vautours en Baronnies » propose à « la maison des vautours » de Rémuzat une exposition pédagogique et photographique, films vidéo, documentation, etc.. ouverte tout l’été et le week-end à la demande durant l’hiver. Renseignements Mairie de Remuzat tel : 04 75 27 81 91 - Fax : 04 75 26 32 00
Alain BOSMANS.