Un vent sibérien s’engouffrait ce soir là dans la vallée du Toulourenc et envahissait les rues de Montbrun les bains n’encourageant pas ses habitants à mettre le nez dehors. Ce froid précoce en ce début décembre et le Téléthon qui battait son plein dans toute la région ce soir là explique sans doute que le public soit venu peu nombreux pour assister dans la salle polyvalente à une soirée de contes organisée en collaboration avec la bibliothèque et le syndicat d’initiative dans le cadre du festival « Contes et Rencontres ». Ceux qui étaient là n’ont pourtant pas eu l’occasion de le regretter tant le spectacle qui leur fut offert était d’une qualité exceptionnelle.
Hamed Bouzzine est un conteur marocain domicilié à Paris, de réputation internationale, qui puise à la source des troubadours berbères des histoires d’hommes libres. Des contes drôles, poétiques, merveilleux qui sentent le soleil, le sable du désert, les montagnes de l’Atlas et le pays des Touaregs, des histoires remplies de bons et mauvais génies, de rois et de princesses lotis sous la tente ou dans des palais de mille et une nuits… C’est à un magnifique voyage en histoires ensoleillées, de Tanger à Tombouctou, sur les routes de la sagesse, de la tolérance et de l’humanité auquel cet homme du Sud avait convié les gens de Montbrun.
Hamed Bouzzine ne se contente pas de raconter des histoires, aussi stupéfiantes soient-elles. Il les chante également. Comme tout bon troubadour, le conteur marocain est également un excellent musicien, jazzmen confirmé qui eut l’occasion de jouer, entre autre, avec Archy Shepp. La musique fait partie intégrante de ses contes qu’il accompagne à chaque fois d’un instrument traditionnel africain différent. Harpe du Niger, luth Gony, piano à pouce, les histoires se succèdent au rythme lancinant des mélodies répétitives provocant une sorte d’envoûtement chez le spectateur qui se sent comme subjugué par la richesse de la langue, la mélodie des incantations, le charme du poète.
Mais ce qui séduit le plus chez Hamed Bouzzine, c’est surtout la malice, la drôlerie, et l’humour permanent qui se mêlent aux textes par ailleurs rigoureusement travaillés et nullement improvisés. D’une forte stature à la noble beauté, le visage du conteur est constamment animé d’un sourire malicieux plein d’espièglerie. Les yeux sont mi-clos, plissés par l’envie de rire ou bien comme s’ils craignaient le soleil trop fort du désert. Il ne fallut pas longtemps pour que le public soit emporté par le jeu du conteur. Cric ! Crac ! Nul ne vit le temps passé et c’est avec étonnement qu’il fallut bien admettre en mettant le nez dehors après le spectacle que le vent qui soufflait glacial était bien le Mistral et non pas l’Harmattan…
Alain BOSMANS