Fuyant la banlieue parisienne à la recherche
d’un autre mode de vie, installée depuis 15 ans dans les Baronnies,
aux fins fonds de la vallée de l’Ouvèze, Frank et Nanou Berthou
ont fait la démonstration qu’on pouvait réussir dans une
agriculture de montagne alternative.
« C’est une maison bleue, adossée à
la colline, on ne frappe pas, ceux qui vivent là on jeté
la clef... » . Sans doute sommes nous loin de San Francisco et les
vieilles pierres de la bergerie sont nullement bleues, mais ceux qui vivent
là ont effectivement jeté les clefs des portes qui verrouillent
la plupart de nos existences citadines. Les paroles de la chanson de Maxime
Leforestier viennent immanquablement à l’esprit de ceux qui rendent
visite à Frank et Nanou Berthou dans leur repaire de « La
Closonne », au cœur du pays Baronniard.
C’est un endroit où l’on ne risque pas d’arriver par mégarde, en passant par là. Non ! Il n’y a qu’un seul chemin de terre qui mène à la ferme et il ne mène que là ! C’est un lieu qu’y se mérite et que l’on atteint après 5 km d’une piste accidentée traversant une nature sauvage et désertique à partir de l’embranchement du moulin de Vercoiran. L’eau vient de la source, l’électricité est celle produite par le générateur de Frank et le téléphone n’a été installé que tout récemment. Et pourtant durant le week-end de l’opération « De ferme en Ferme », La Closonne a reçu plus de 1000 visiteurs en 48 heures, venus découvrir cette véritable arche de Noé fermière, tandis que d’avril à octobre la table commune d’hôtes accueille chaque dimanche une trentaine de privilégiés venus déguster un remarquable menu de produits naturels du terroir. Car désormais la ferme de « La Closonne » est devenue dans la région une référence incontournable en matière d’agriculture alternative et d’expérience réussie d’implantation nouvelle d’activités agro-touristiques.
Un parcours remarquable pour Frank et Nanou Berthou, deux banlieusards de la région Parisienne en quête de vie nouvelle à la fin des années 70. Sans se connaître, chacun de son coté, pendant 5 ans ils commencent par apprendre le dur métier d’ouvrier agricole, vacher, berger, allant de ferme en ferme parcourant toute la France. Un beau jour, comme dans les contes, ils se rencontrent dans une ferme où Frank est maître de stage à Sisteron. L’amour donne des ailes et des idées folles, c’est bien connu. En 1982, La Closonne est là, déjà au bout du chemin, ancienne ferme bergerie abandonnée depuis 50 ans. Achetée 50 000 frs à crédit sur 5 ans, la bergerie est sommairement retapée par le couple pour faire de l’élevage de chèvres et moutons d’abord, puis de volaille ensuite, du cochon et même du veau plus tard. Dés le départ Frank et Nanou parient sur la qualité et l’authenticité des produits. Les animaux seront élevés naturellement, au grain et en plein air dans la montagne. Ils seront vendus soit sur pied, soit transformés le plus naturellement possible selon les méthodes anciennes, sans conservateur, ni gelée, ni colorant. La commercialisation se fera soit sur les marchés, soit en vente par correspondance ou directe à la ferme, soit sous forme de restauration à la ferme le dimanche à la belle saison.
Quinze ans et beaucoup de travail plus tard, ça marche ! Aujourd’hui, 1000 volailles, une centaine de chevrettes et une cinquantaine de cochons sont élevés chaque année à La Closonne. Avec leur trois enfants de 13, 9 et 5 ans, nés là haut, tous les trois, dans la montagne, les fermiers-restaurateurs de La Closonne ne regrette pas leurs banlieues Parisiennes. Heureux et optimiste, Franck est persuadé qu’il a découvert une formule bien adaptée aux exigences de l’agriculture de montagne et qui soit en phase avec l’air du temps et cette recherche de produits biologiques, naturelles et authentiques.
« L’élevage, comme seule activité agricole dans ce pays de montagne du Sud-Drômois n’est évidemment plus rentable, la préparation et la commercialisation isolée sur les marchés de la région de produits naturels issus de l’élevage ne le sont guère plus. Mais ces deux activités deviennent rapidement lucratives si elles sont portés par une activité touristique, par une image originale d’authenticité et de dépaysement ». Et dans ce domaine, Franck ne craint pas la concurrence. Au contraire, il la souhaite ; persuadé que le visiteur attire le visiteur et que la multiplication des pôles d’attractions touristico-agricoles bénéficiera à tous.
Reste que, vivre dans un tel endroit, seul au fond de la vallée, loin de tout, ne doit pas être si simple... ? On peut se poser la question, mais il suffit de peu de temps à la Closonne pour s’apercevoir qu’isolement ne signifie pas solitude. Car ce que Frank et Nanou ont choisi, c’est aussi un autre mode de vie, principalement basé sur la solidarité, sur l’amitié, l’entraide et les copains. A la Closonne on n’y est jamais seul ! Et pour s’en persuader il suffit d’y aller ! Jusqu’au bout du chemin.... ! C’est bien le diable si vous ne vous y faites pas des amis ! « C’est une maison bleue.... »
Alain BOSMANS